L'ex-fonctionnaire au ministère de la Santé, Daniel Poirier, tente de minimiser sa responsabilité et celle du gouvernement dans l'échec de l'État québécois à s'assurer que les effectifs médicaux nécessaires en médecine familiale soient en place pour répondre à la demande croissante de soins («Les fausses accusations du Président du FMOQ», 30 janvier).

Malgré des faits accablants, notamment celui ayant trait au fait qu'il y avait exactement le même nombre de médecins généralistes et spécialistes au Québec en 2000, et qu'il y a aujourd'hui 1000 spécialistes de plus, M. Poirier continue de refuser d'admettre l'évidence: son passage à la direction de la planification de la main-d'oeuvre médicale au MSSS fut marqué par une dévalorisation sans précédent de la médecine familiale. Sinon comment expliquer que dans le reste du Canada, il y ait davantage de médecins de famille que de spécialistes, alors qu'au Québec il y a 1000 spécialistes de plus? Et comment expliquer qu'un écart si énorme ait pu se creuser en une décennie?

Les faits sont têtus et M. Poirier ne peut nier que les actions gouvernementales ont fait en sorte de favoriser la médecine spécialisée comme choix de résidence, ce qui a eu comme conséquence de fragiliser comme jamais l'accès aux soins de première ligne.

M. Poirier dit que la FMOQ n'a jamais plaidé pour que davantage d'étudiants en médecine aient la chance d'opter pour la médecine familiale comme choix de carrière. Rien n'est plus faux. D'ailleurs, dès mon arrivée à la présidence de la FMOQ, en 2008, la Fédération a interpellé tous les acteurs du milieu de la santé sur la nécessité de valoriser la médecine familiale auprès des étudiants.

Ce fut un travail de longue haleine, mais ce travail a finalement porté ses fruits puisqu'aujourd'hui, non seulement la proportion des postes offerts en médecine familiale dans nos facultés de médecine est de 52% - alors qu'elle était de seulement 45% à mon arrivée en poste -, mais en plus, le nombre d'étudiants qui choisissent de faire leur résidence en médecine familiale n'a jamais été aussi élevée.

De plus, M. Poirier se permet d'affirmer des choses inexactes au sujet des négociations sur le rattrapage par rapport à nos collègues canadiens. La FMOQ a dans ce dossier mené sa propre négociation, et elle a conclu sa propre entente avec le gouvernement à l'automne 2007 (lettre d'entente 138). Il n'a jamais été question de clause remorque par rapport à la négociation des médecins spécialistes.

Au moment de cette négociation, j'étais effectivement un peu en retrait sur les lignes de côté pour une excellente raison: je n'étais pas président de la FMOQ! Ma priorité légitime à l'époque était plutôt ma pratique médicale et mes nombreux patients. M. Poirier devrait donc s'astreindre à un minimum de rigueur avant d'affirmer n'importe quoi.

Enfin, quant au ratio de médecins de famille versus la population, effectivement, le Québec se positionne bien, même si on est loin du ratio plus avantageux de nos collègues spécialistes à cet égard. M. Poirier omet toutefois volontairement de mentionner que les médecins de famille au Québec ont l'obligation, qui n'existe pas ailleurs au Canada, de travailler en milieu hospitalier!

Cela fait en sorte que les médecins de famille québécois consacrent environ 40% de leur temps à du travail en milieu hospitalier, alors qu'ailleurs au pays cette proportion est d'approximativement 20%. Dans ce contexte, le ratio médecin omnipraticien-habitant ne veut pas dire grand-chose, et M. Poirier le sait bien. Il est triste qu'il préfère taire cette information essentielle, préférant ainsi être complice de la campagne ministérielle de désinformation et de dénigrement au sujet du travail des médecins de famille québécois.