Au cours des derniers mois, deux institutions universitaires canadiennes ont fait les manchettes en lien avec des événements odieux, de gravité variable cependant, impliquant leurs étudiants. Retour et réflexion sur la réaction et la gestion de crise des universités concernées.

En décembre dernier, une controverse a éclaté à l'Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse, relativement à des propos misogynes et dégradants, à caractère sexuel, échangés sur une page Facebook entre 13 étudiants de la Faculté de médecine dentaire, membres du groupe DDS 2015 Gentlemen. Aucune accusation criminelle n'a cependant été portée et l'université a choisi de mettre sur pied un processus de justice réparatrice, de séparer les étudiants du reste de la classe et de suspendre leurs stages cliniques.

Or, l'université a depuis essuyé de sévères critiques pour sa gestion de la situation, par l'entremise des signataires d'une pétition, de divers ordres professionnels de dentistes, d'étudiantes visées par les commentaires humiliants et de professeurs, qui ont tour à tour exigé que l'identité des étudiants soit révélée, que des mesures punitives plus sévères soient imposées et que soit abandonné le processus de justice réparatrice.

Pourtant, un processus de justice réparatrice et participative, loin d'être une obscure manoeuvre de camouflage, doit se dérouler selon les règles de l'université, dans le respect des victimes et la confidentialité des individus concernés. Les victimes ont l'occasion d'exprimer l'impact des actes reprochés sur leur vie et de recevoir des réponses aux questions qui les hantent. Les auteurs des gestes peuvent raconter le contexte de leurs écarts et tenter de redresser la situation avec les victimes par certaines formes de compensation. Évidemment, les conséquences et sanctions imposées doivent par ailleurs être justes et proportionnelles à la gravité des gestes commis.

Ryan Millet, un des 13 membres du groupe DDS 2015 Gentlemen, a néanmoins choisi de s'exclure de ce processus pour tirer à boulets rouges sur l'université, estimant avoir été ciblé injustement et jugé coupable par association. C'est son droit le plus strict de partir en guerre contre l'institution, bien que sa démarche s'avère précoce et qu'il sera bien malvenu de plaider ultérieurement une atteinte à sa réputation alors qu'il a lui-même renoncé, avec cette bruyante sortie, à la confidentialité offerte par le processus administratif.

Les Gee-Gees

Les incidents survenus à l'Université Dalhousie ont été précédés par le dépôt d'accusations d'agression sexuelle contre deux anciens hockeyeurs de l'équipe des Gee-Gees de l'Université d'Ottawa. L'université a réagi en commandant une enquête interne et en suspendant les activités de l'équipe de hockey après que le rapport eût fait état de violations généralisées des règles de conduite de l'université au sein de l'équipe. L'institution a depuis annoncé son intention de reconstruire le programme de hockey et d'établir de nouvelles lignes de conduite pour mieux encadrer les étudiants-athlètes.

Mais voilà que 22 anciens joueurs des Gee-Gees viennent de déposer une demande de recours collectif de 6 millions, alléguant avoir été injustement associés aux accusations d'agression sexuelle et avoir subi des préjudices à la suite de la décision de l'université de suspendre son programme de hockey. 

On reproche donc à l'université d'être intervenue selon ses procédures administratives pour corriger un climat malsain à l'intérieur d'un de ses programmes. On imagine pourtant assez facilement le tollé qu'aurait provoqué l'inaction de l'institution devant les révélations de comportements déshonorants généralisés. Comme disent les Anglais, «Damned if you do, damned if you don't».

Je ne prétends pas qu'il faille s'incliner les yeux fermés devant les décisions prises par les universités pour gérer ces crises. Cependant, la précipitation avec laquelle certains montent aux barricades laisse peu de chance aux autorités de faire leur travail et alimentent la méfiance à l'égard de processus de justice administrative qui, sans être parfaits, se veulent rigoureux et équitables.