Le texte «Il faut revoir le Code du travail», publié dimanche dernier, ouvre un débat important: faudrait-il que le Québec revoit son Code du travail pour diminuer les protections syndicales qu'il contient? Le but, selon son auteur, serait de «rétablir l'équilibre» en faveur des contribuables.

Le billet de M. Létourneau contient plusieurs affirmations fort discutables, mais si l'on s'en tient au débat qu'il tente d'amorcer, je veux lui répondre: le Code du travail n'est pas défavorable aux contribuables! Au contraire.

Opposer d'un côté les syndicats et de l'autre les contribuables ressemble au combat entre le chien et sa queue. Les fameux «syndiqués» sont des contribuables au même titre que les autres. Mais surtout, l'effet syndical est sans doute bien plus favorable à l'ensemble des contribuables que ne le pense M. Létourneau.

Comme le rappelle une note de recherche récemment publiée par l'IRIS («Les syndicats nuisent-ils au Québec?»), les études des 50 dernières années confirment que l'effet syndical dans l'économie est de réduire les écarts de richesse. Autre fait vérifié: la présence syndicale améliore les conditions de travail de toutes les catégories d'employés, qu'elles soient syndiquées ou non. Il me semble que ce sont des effets plutôt favorables à l'ensemble des contribuables.

Depuis les années 90, le Québec n'a cessé d'améliorer sa situation économique, notamment au chapitre de l'emploi, de la productivité et de la compétitivité. Et cela alors même qu'il maintient un taux de syndicalisation plus élevé que le reste du continent. Bref, la démonstration n'est pas faite que les protections syndicales contenues dans le Code du travail du Québec ont un effet économique négatif. Peut-être même qu'au contraire, leur effet en faveur des «contribuables» n'est pas suffisant, car les gains de productivité de l'ordre de 30% réalisés au Québec depuis le début des années 80 ne se sont traduits que par une augmentation de l'ordre de 15% de la rémunération globale.

Peu de conflits de travail

Ce sont les conflits dans le secteur public qui semblent agacer M. Létourneau. Il nous dit que «les crises créées de toutes pièces» par les syndicats «pèsent lourd sur le climat économique de la province». Mais le taux de conflits de travail se maintient dans un creux historique cette décennie, alors qu'année après année, environ deux négociations sur cent se soldent par un conflit (grève ou lock-out). Pour la première fois de notre histoire, le nombre de jours/personnes perdus en raison des lock-out (causés par les employeurs) dépasse celui des grèves.

Plus de 700 000 contribuables occupent des emplois dans le secteur public (provincial ou fédéral): au nom de quels principes faudrait-il qu'ils et elles acceptent des protections légales inférieures à celles de leurs vis-à-vis du secteur privé? Pour une bonne part, ils et elles ont déjà dû accepter de restreindre leur droit de grève, en deçà des normes internationales, au nom de l'idée que notre société se fait des services essentiels.

Oui, un débat sur le Code du travail est bienvenu. Mais, à notre avis, on ferait régresser le Québec si on cherchait uniquement à diminuer les droits et libertés syndicaux. D'ailleurs, ce serait aux antipodes des dernières propositions sérieuses concernant les codes du travail provincial et fédéral (Rapport Bernier en 2002 et Rapport Arthurs en 2009). Ces deux rapports ont plutôt insisté sur l'importance d'améliorer les protections contenues dans ces codes plutôt que l'inverse. Ainsi, M. Létourneau, il ne faudrait pas qu'en visant le «syndiqué» vous atteigniez le «contribuable».