L'annonce récente de l'acquisition des actifs de Vision Globale par le Groupe TVA inc. pour 118 millions et le résultat de l'enquête du commissaire à l'éthique et à la déontologie démontrent que Pierre Karl Péladeau continue d'exercer une influence sur les décisions de Québécor inc. et ses filiales.

Selon le rapport du commissaire, c'est M. Péladeau qui a mis les dirigeants de Québecor en contact avec Vision Globale. Le 30 mai, Québecor Média inc. a déposé une offre, culminant avec l'annonce de TVA le 13 novembre. Le rapport conclut que M. Péladeau a contrevenu à deux reprises au code de déontologie des députés pour être intervenu dans la vente puisqu'il a un «intérêt personnel» dans Québecor et ses filiales.

Les interventions de M. Péladeau étaient-elles motivées par le désir de faire un profit ou pour d'autres raisons? Si c'était pour un gain monétaire, il aurait dû l'avouer durant l'enquête et aurait peut-être été sanctionné. Si les raisons étaient plutôt de nature politique, quelqu'un va devoir l'expliquer auprès des actionnaires minoritaires de TVA, la société qui doit maintenant payer la facture.

La réponse? Tel qu'il l'a expliqué au commissaire et tel qu'on peut le lire sur sa page Facebook, M. Péladeau favorisait une transaction pour empêcher une société américaine de l'acheter, protéger des emplois, et promouvoir sa circonscription de Saint-Jérôme. C'était pour le bien de l'économie québécoise et donc pour des raisons politiques, et non pour le bon sens des affaires. Faute d'erreur de jugement, donc pas de sanction.

Pas dans l'intérêt des actionnaires

Pour les actionnaires minoritaires de TVA, qui détiennent 49% de l'actionnariat, mais sans droit de vote, il est évident que l'achat des actifs de Vision Globale n'est pas dans leur intérêt. D'importants gestionnaires de fonds détenant des actions de TVA ont déjà exprimé leur désaccord. La gestion de studios de cinéma, la vente de services de postproduction et la location d'équipements ne cadrent pas avec les activités de diffusion de TVA.

Il est vrai que TVA utilise de ces services de temps à autre, mais c'est comme si Bell Canada achetait des usines de fabrication de téléphones. Ces secteurs d'activité sont volatils et nécessitent d'énormes réinvestissements. Vision Globale est une société qui était sur le bord de la faillite en juillet. Aujourd'hui, TVA propose de l'acheter pour une somme astronomique. Par hasard, ce prix correspond à une valeur d'entreprise à laquelle un des actionnaires de Vision Globale, Capital Régional et Coopératif Desjardins, fait des «pertes marginales», selon un porte-parole cité (14 novembre 2014) par La Presse. Coïncidence?

Pour sa part, il est estimé qu'Investissement Québec fait environ 15 millions de profit en 2 ans, soit un rendement de 150%. Payer ce prix gonflé et émettre des actions de TVA, qui se transigent présentement à un prix grossièrement sous-évalué, ne fait aucun sens sur le plan financier.

Pour ajouter l'insulte à l'injustice, le financement se fera par voie d'une émission de droits de souscription, «backstoppée» par Québecor Média, ce qui aura pour effet de diluer jusqu'à 60% les actionnaires minoritaires de TVA qui refusent de participer dans le financement de cette folie.

TVA est une société cotée à la bourse de Toronto et contrôlée par Québecor Média, qui elle est détenue à 75% par Québecor et 25% par la Caisse de dépôt. Les administrateurs de TVA ont des obligations fiduciaires envers les actionnaires minoritaires, mais semblent plutôt avoir favorisé les désirs de M. Péladeau dans l'affaire Vision Globale. Les conflits d'intérêts et abus potentiels sont nombreux entre TVA et les filiales de Québecor, et perdurent depuis des années. On n'a qu'à lire les rapports financiers de TVA.

Si M. Péladeau est incapable de se déconnecter des décisions du groupe Québecor, c'est aux administrateurs de régler le problème. La solution? Québecor Média devrait enfin racheter les actionnaires minoritaires de TVA en leur faisant une offre juste et équitable. Comme ça, M. Péladeau pourra faire ce qu'il veut avec TVA.