À voir les réactions des différentes factions ces derniers jours, l'ensemble des Québécois n'a pas vraiment apprécié l'exercice d'épouvante qui émane du rapport Robillard. Pour l'agriculture, le message n'est pas bien passé non plus. En utilisant une méthodologie complètement bâclée, le rapport Robillard remet en question le fonctionnement du Programme d'assurance de stabilisation des revenus agricoles.

Mieux connu sous le nom de l'ASRA, ce programme financé en partie par la province de Québec verse une compensation aux entreprises agricoles québécoises lorsque le prix moyen de vente d'un produit est inférieur au revenu stabilisé. Autrement dit, les contribuables québécois assurent les agriculteurs qui opèrent à perte. Ce n'est pas hors du commun de voir un gouvernement faire la même chose, mais le besoin de revoir le modèle d'assurance agricole québécois est criant.

D'abord, l'ASRA crée des remous partout au pays. Perçu comme trop généreux, le Programme de l'ASRA maintient souvent le prix de certaines commodités à un niveau trop bas. En effet, l'ASRA permet à certains producteurs, moins performants, de demeurer dans le secteur et de maintenir l'offre artificiellement élevée et les prix dépressifs. Bien sûr, une dépréciation de la valeur de certaines denrées pénalise ainsi l'ensemble des producteurs, pas uniquement ceux du Québec, puisque les prix sont négociés à l'international. Pour une ASRA 2.0, une meilleure concertation avec les autres provinces est nécessaire.

Deuxièmement, à la lumière du rapport Pronovost, en 2007, l'ASRA avait modifié certaines règles afin de forcer les producteurs d'envergure à payer davantage pour une couverture publique, assumant ainsi plus de risque. Une sage décision, certes, mais la réforme n'est pas allée assez loin. Puisque le calcul des coûts de production se base sur des moyennes, les producteurs ayant développé des économies d'échelle intéressantes reçoivent une grande partie des compensations.

Pour Québec, c'est carrément jeter de l'argent par les fenêtres, puisque la majorité des grandes entreprises bénéficiaires exportent leurs produits. Bien que plusieurs contribuables québécois croient que l'ASRA leur assure une sécurité alimentaire, une bonne partie des sommes supportent les marchés à l'exportation. Subséquemment, une indemnisation qui se base sur les coûts de production des fermes les plus performantes s'inscrirait dans une logique qui mise sur le développement durable et l'efficacité opérationnelle.

De plus, l'ASRA, en principe, discrimine amplement contre plusieurs entrepreneurs qui veulent développer de nouveaux produits novateurs, des produits du terroir bien de chez nous. Le régime actuel ne reconnaît que quelques cultures sans pour autant favoriser pleinement la biodiversité québécoise.

En somme, la réalité démographique du Québec favorise la croissance économique par les exportations. Malgré le fait que les Québécois achètent davantage de produits québécois ces dernières années, le marché absolu de l'alimentation au Québec, en termes de volume, stagne. Ce n'est qu'une question de temps avant que le vieillissement de la population nous rattrape et que les ventes des produits québécois diminuent. Un nouveau programme doit absolument tenir compte des marchés émergents, qui offrent à nos producteurs agricoles une opportunité inouïe. Au lieu de se buter à un marché en maturation, le besoin de développer un programme qui encourage la quête de nouveaux marchés doit être reconnu.

Derrière un rapport extrêmement malhabile se trouve un message qui mérite d'être entendu. Puisque l'agriculture appartient à tous les Québécois et non pas seulement à l'Union des producteurs agricoles (UPA), une réforme de l'ASRA est nécessaire. Sans quoi, un nombre grandissant de citoyens se questionneront sur la pertinence du monopole syndical qui prévaut à l'heure actuelle au Québec.