Les critiques fusent de toutes parts et vont dans toutes les directions. Y a-t-il un médecin honnête au Québec? Ne veulent-ils que travailler pour leur bien propre?

Le problème n'est pas dans les modes de paiement, que ce soit le salariat, le tarif horaire ou le paiement à l'acte. Un médecin qui travaille 35, 40, 45 ou 60 heures semaine et qui donne un service de qualité à droit à une juste rémunération, laquelle reste à déterminer.

Quand on parle d'«imputabilité», il faut comprendre la position complexe d'un médecin confronté à son patient dans son bureau. Un des quatre piliers de la déontologie médicale - la primauté du patient - lui dicte de faire ce qui est en son pouvoir pour assurer le bien-être de son patient. Mais pour ce faire, il a accès à des ressources diagnostiques et thérapeutiques onéreuses qu'il doit utiliser avec réserve et précaution.

Au Québec et au Canada, les guides de pratiques foisonnent et différents groupes d'experts recommandent aux médecins de suivre telle ou telle conduite, mais le médecin demeure néanmoins libre de la conduite à adopter. Il n'y a pas vraiment d'organisme qui veille au respect de ces normes. Le médecin est toujours un peu sous influence, que ce soit l'insistance du patient, le désir de régler le problème rapidement, la crainte de manquer un diagnostic, l'influence de telle ou telle compagnie pharmaceutique...

Voilà la véritable différence entre notre système de santé et un «Health Maintenance Organisation» (HMO) comme Kaiser-Permanente. Les médecins participants agréent par contrat à traiter les patients en accord avec les recommandations et restrictions de l'organisation. Ils sont confinés à des règles de pratique strictes. Si le médecin déroge, il risque d'être pénalisé. Si le patient refuse, il doit reconsidérer son appartenance à ce régime particulier. Pas de prise de sang, pas d'examen radiologique, pas de médicaments couteux s'ils ne sont pas jugés appropriés. On dicte au médecin la conduite à suivre selon la condition clinique qu'il a identifiée.

Bien utiliser les ressources

Les entreprises privées ont rapidement compris qu'il est éthiquement impossible de demander aux médecins d'être à la fois gardiens de la santé de leurs patients et gardiens de la santé financière du régime d'assurance maladie qui les rémunèrent. Le gestionnaire du système de santé décide ce qu'il paye et quand il le paye. Le rapport coût/efficacité du mode de diagnostic et de traitement est pris en compte avant que celui-ci ne soit intégré dans le mode de pratique. Il y a inévitablement perte de liberté tant pour le médecin que pour le patient, mais le système est viable. Kaiser-Permanent a plus de 9 millions de membres et génère un revenu net de 1,6 milliard$ US.

Au Québec, l'Institut national d'excellence en santé et en services sociaux (INESSS) émet des recommandations, mais aucun organisme ne vérifie leur mise en vigueur. La Régie de l'assurance maladie paye les médecins, mais qui s'assure que les ressources sont utilisées de façon appropriée?

Plutôt que de nous évertuer à trouver le mode de paiement parfait, prenons en considération la capacité de payer de notre régime d'assurance maladie et assurons-nous de protéger l'universalité du programme. Ensuite, à la façon des HMO, instaurons un système de gestion de l'utilisation des ressources auquel le médecin oeuvrant dans le réseau public doit s'astreindre. Cessons de penser qu'une seule personne (le médecin) peut à la fois servir son patient et le système de santé.

Si un médecin trouve ce système trop coercitif, il devra aller en pratique privée. Cela veut aussi dire que si Monsieur ou Madame veut une résonance magnétique immédiatement et que cela n'est pas indiqué, c'est à lui ou elle de payer.

C'est le prix à payer pour avoir un service de santé public, juste, équitable et viable. Est-ce que cela nous mènera à une éventuelle privatisation du système de santé? Je n'en ai aucune idée. Mais le Québec est bien petit comparativement à ces HMO géants.