J'ai pris connaissance de l'opinion de Gaétan Frigon sur « Les enfants gâtés » (10 novembre) et j'y souscris en connaissance de cause pour avoir été moi-même impliqué dans le domaine de la rémunération globale, notamment au niveau municipal, pendant plusieurs années.

On n'a pas idée de ce qu'avance M. Frigon sur la « libre négociation » et l'effet domino d'une ville à l'autre, sans compter l'incurie des élus complètement dépassés. Tout ceci est exact, voire en deçà de la triste réalité.

Rien que pour Montréal, l'écart salarial annuel se chiffre en centaines de millions et ce scandale perdure depuis des décennies ! Qu'aurions-nous pu faire et que ferions-nous avec tout cet argent gaspillé pour le redressement et le développement de cette ville ? Il y a des comportements et des traits culturels propres au monde municipal qui n'ont pas encore été identifiés ni analysés aux fins de correction.

Même chose quant à la recherche de solutions à long terme, dans la mesure où le déficit des caisses de retraite n'est que la conséquence de l'avance salariale de 20 à 30 % par rapport au secteur public. Malgré le fait que le déficit des caisses de retraite ne constitue qu'un épiphénomène de l'avance salariale, le débat public demeure muet pour la résorber.

Il faut éliminer cette avance, par exemple via un gel salarial modulé. Mais la négociation ville par ville ne fonctionnera pas, comme on peut déjà le constater pour le déficit des caisses de retraite. On va se retrouver avec une mosaïque d'ententes particulières et d'exceptions, autant de précédents sur lesquels s'appuyer pour pousser les demandes toujours plus haut.

C'est tout le régime de négociation archaïque et déséquilibré du monde municipal qui est à revoir en se basant sur l'exemple du provincial et de ce qui existe dans d'autres pays ou tous les emplois de la fonction publique, à quelque niveau que ce soit, sont intégrés et régis par des conventions collectives globales.

Pensez seulement aux professionnels de la santé, infirmières, techniciens, préposés ou aux commis de l'État. Qu'ils soient postés à Chicoutimi ou à Gatineau, leur rémunération, les échelles salariales, leurs primes, etc. sont les mêmes. Fini les négos locales pour des enjeux salariaux semblables, fini les précédents qui déboulent, fini les sagas interminables des moyens de pression ! Même chose pour les régimes de retraite dont la multiplicité et la complexité font le régal des firmes d'avocats, centrales syndicales et des actuaires de toutes sortes.

J'ai tenté à plusieurs reprises de sensibiliser des politiciens, chroniqueurs et spécialistes vers la recherche de solutions à long terme, mais il semble y avoir un blocage. Il faut dépasser le stade des constats et des descriptions teintés de cynisme. Cela fait des années qu'on répète les mêmes choses, mais on attend encore le diagnostic en profondeur et une vision à long terme pour des remèdes permanents.

Les avenues de solution évoquées ci-dessus constituent ni plus ni moins l'étape inachevée de la Révolution tranquille qui s'est arrêtée par la modernisation du gouvernement provincial sans s'occuper du monde municipal. Le noeud du problème est donc politique et son dénouement se situe à Québec.

Cela devrait être une avenue enthousiasmante pour des partis politiques qui veulent se démarquer, mais, comme on peut le constater, les principaux élus provinciaux et municipaux misent encore sur les négociations locales pour régler la question du déficit des régimes de retraite. Quant à l'élimination de l'écart salarial et à l'intégration des employés municipaux à la fonction publique provinciale, cette vision dépasse tous les schèmes de référence connus.