Le monde du commerce de détail alimentaire au Canada vit une véritable métamorphose ces dernières années. Certains indicateurs nous suggèrent que le temps est révolu pour les supermarchés consacrés entièrement à l'alimentation.

Par exemple, certains détaillants en alimentation offrent dorénavant le service à l'auto et vendent de plus en plus de produits alimentaires en ligne. Wal-Mart a déjà fait son empreinte sur le marché canadien, et l'arrivée éventuelle d'Amazon risque aussi de perturber l'industrie. De plus, les canaux de distribution s'éclatent. Par exemple, les citadins auront accès sous peu à du sushi et à de la salade niçoise fraîche dans les pharmacies.

Avec l'invasion des méga-détaillants et l'éveil sournois de certains autres acteurs comme les magasins à escomptes et les dépanneurs, plusieurs experts se demandent s'il existe toujours une place de choix pour le magasin alimentaire traditionnel de grande surface.

Ce fut au cours des années 60 que le modèle traditionnel des épiceries avec ses rayons de base s'est manifesté. Les viandes, fruits et légumes, conserves, produits laitiers, ainsi qu'une panoplie d'autres articles alimentaires, étaient à la portée d'une seule grosse commande, une fois toutes les deux semaines. Maintenant, le consommateur engagé visite un point de service alimentaire 2,2 fois par semaine, et dépense en moyenne moins à chaque visite. Les modes de vie ont bien changé et l'industrie a dû s'adapter.

Depuis une dizaine d'années, au Canada, les ventes des détaillants hors secteur ont arraché près de 17% des ventes alimentaires au Canada, aux dépens des entreprises dédiées à l'alimentation, Loblaw, Metro et Sobeys.

Cette part est séparée entre les magasins-entrepôt, Costco, les magasins à rabais, Wal-Mart et Target, ainsi que les pharmacies et les magasins à prix unique. En effet, les ventes alimentaires dans les dépanneurs, magasins à dollar et pharmacies ont bondi de 14% depuis deux ans. L'impact de ces derniers est plus subtil, quoique de plus en plus de consommateurs se contentent d'acheter des collations consommables tout au long de la journée.

Dans les grands centres urbains, les magasins qui desservent une clientèle multiculturelle ont aussi explosé et grignotent peu à peu des parts de marché aux grands. Les marchés publics gagnent eux aussi en popularité.

Pour une industrie dont les marges bénéficiaires sont minces et la compétition est féroce, la pression est forte ces temps-ci. 

L'ascension de certains détaillants hors secteur est spectaculaire. Wal-Mart ne se gêne pas pour mentionner à voix haute que l'entreprise basée à Bentonville, Arkansas, désire devenir le numéro un au Canada, et supplanter Loblaw. Wal-Mart dérange, et pas à peu près.

D'ailleurs, afin de s'opposer à Wal-Mart, les ventes chez Loblaw de produits non alimentaires représentent maintenant plus de 50% de son chiffre d'affaires. Pour Loblaw, le numéro un au Canada en alimentation, c'est un ratio qui signale l'arrivée d'un temps nouveau.

Simplement, le consommateur moderne est l'architecte de la destinée de l'industrie et dicte où elle ira. Le secteur traite avec des consommateurs vieillissants qui sont plus branchés que jamais, plus soucieux de leur santé et passionnés pour des mets divers, tout en menant une vie d'enfer.

Pour en rajouter, le portrait démographique n'est pas évident non plus. Le marché alimentaire devient peu à peu un monstre à deux têtes: d'un côté, l'industrie doit désormais échanger avec des boomers qui veulent sauver des sous, et de l'autre, avec la génération Y qui valorise davantage la qualité des aliments et les valeurs sociales qui s'y rattachent.

Somme toute, les jours sont comptés pour les magasins alimentaires traditionnels et l'industrie le sait très bien. Le magasin général d'antan a subi le même sort. Le modèle des années 60 est obsolète et laisse tranquillement sa place à autre chose. Par contre, cette fois-ci, pour contenter une demande de plus en plus fragmentée, plusieurs modèles à succès émergeront.