Il semble que la nouvelle classe politique de Montréal se soit enfin décidée à redonner aux insulaires que nous sommes ce qu'on leur a confisqué: la joie de barboter sur des plages sécuritaires et à proximité. L'eau est un bien commun magique dont nous avons été privés trop longtemps par la pollution effrénée des entreprises et nos autorités insouciantes.

La faisabilité de plages autour de Montréal tient beaucoup en deux mots-clés simples: proximité et qualité de l'eau. Les nouvelles plages doivent être faciles et rapides d'accès, via le métro. Et elles doivent être sécuritaires, c'est-à-dire dépourvues de coliformes, responsables de gastroentérites et d'attaques plus sévères, telles que celles causées par une souche d'E. coli, la bactérie qui a tué à Walkerton.

Ne nous enlisons pas dans la politique ou la bureaucratie vaseuse que nous voyons déjà poindre. La réalisation de plages doit être basée sur des critères scientifiques objectifs de qualité de l'eau et d'hydrologie, notamment. L'eau peut-elle se conformer aux normes de sécurité? Où sont les tuyaux déversant les eaux usées? Y a-t-il trop de courant, de débit? Etc.

Depuis plusieurs années, la Société pour vaincre la pollution (SVP) analyse et surveille la qualité de l'eau autour de Montréal. Selon nous, la réalisation d'accès à l'eau - y compris au canal de Lachine - est parfaitement faisable, sous deux conditions préliminaires. D'abord, il faut fermer ou contrôler les tuyaux d'égout légaux et illégaux qui se déversent directement dans le fleuve, comme les cas dévoilés par la SVP depuis 2007 à la Ronde, l'île des Soeurs, etc. Puis, il faut diminuer les déversements de surverses lors des pluies. Selon nos données, il y a eu plus de 1000 déversements d'égouts autour l'Île de Montréal en 2013...

Après quoi, il faut élaborer un plan de suivi de la pollution des eaux en temps réel. Nous devons savoir en quelques minutes, ou quelques heures au maximum, si les coliformes sont trop élevés pour la baignade. En quel cas, il faut fermer la plage immédiatement, pour quelques heures ou quelques jours. Cela se fait ailleurs dans le monde et c'est la base de l'accès sécuritaire à l'eau.

À Montréal, les données sur la qualité de l'eau ne deviennent publiques au minimum que deux jours après le prélèvement. De plus, l'ensemble des données de 2013 n'est pas encore public! Aussi, les échantillons sont pris selon une géographie bureaucratique: c'est là où les Montréalais jouent et pêchent naturellement que nous voulons connaître la qualité de l'eau, pas là où l'échantillonnage est le plus commode pour nos fonctionnaires!

Montréal vit une grande hypocrisie: de plus en plus de Montréalais se baignent, pêchent, font du kayak, et les autorités, qui leur fournissent des quais, comme à Verdun, se contentent d'interdire la baignade. Faisons les choses correctement. Dès cet automne, la Ville de Montréal doit amorcer les études de faisabilité. Et ne laissons personne noyer le poisson d'un si beau projet!