Dans sa lettre du 26 juillet («Renouveler le bail à quel prix?»), la porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec, Catherine Tragnée, tente des arguments pour démontrer que les propriétaires n'ont pas raison de réclamer des changements législatifs. Son texte laisse croire que le logement locatif peut être viable et de qualité tout en gardant le Québec hors des règles élémentaires d'économie et de droit reconnues ailleurs.

Selon Mme Tragnée, le contrôle des loyers dont les propriétaires se plaignent est quasi inexistant, car seulement 0,4% des loyers sont fixés par le tribunal. Or, la Régie du logement exerce au contraire un large contrôle des loyers en publiant des taux estimés qui neutralisent toute négociation entre propriétaires et locataires dès que la hausse demandée dépasse environ 1%.

Lorsque la CORPIQ a contesté en Cour supérieure la publication de taux fictifs, en 2006, le gouvernement du Québec a lui-même admis qu'il s'agissait d'un moyen de «mettre en oeuvre les politiques sociales et économiques tracées par l'État, dont le contrôle des loyers». Lors d'une entrevue en 2011, un ex-président de la Régie du logement a pour sa part confirmé à la CORPIQ que la publication de taux a servi à réduire le nombre de demandes de fixation.

Pour contrer le souhait des propriétaires de remettre le loyer au niveau du marché après un déménagement, la lettre ridiculise le nombre de cas de fixation rétroactive demandée par le nouveau locataire (143 en 2013) qui invoque l'ancien loyer déclaré sur le bail. Retournons à Mme Tragnée son propre argument: s'«il n'y a pas de quoi écrire à sa mère et pas même au ministre Moreau», où est la pertinence de ce recours? À moins que l'effet de contrôle soit plus important que les chiffres officiels le disent...

La porte-parole dénonce aussi les critères de fixation de loyer qui «permettent une hausse des loyers lorsque les coûts sont à la hausse, mais ne permettent pas l'inverse». Elle oublie de mentionner que les propriétaires sont souvent obligés d'absorber une partie de la hausse des dépenses d'exploitation (taxes, énergie, entretien, assurance).

Des rénos peu rentables

Selon Mme Tragnée, les critères de fixation de loyer et les déductions fiscales sont assez généreux pour encourager les propriétaires à rénover. Sérieusement? Le rendement annuel accordé sur les travaux majeurs n'est que de 2,6% et ne couvre même plus les intérêts à payer sur l'emprunt! En outre, le propriétaire doit payer de l'impôt supplémentaire sur les revenus de loyers augmentés. Les 38 ans qu'il faut désormais pour amortir les travaux majeurs surpassent la durée de vie utile de ce qui est rénové. Pourquoi ne pas revenir à l'amortissement sur 8 ans, une norme acceptée dans les années 80?

Mme Tragnée soutient également que de permettre aux propriétaires d'augmenter le revenu net de l'immeuble entretient la spéculation. Ce qui est vrai pour toute entreprise l'est aussi pour l'immobilier: sans indexation du revenu net, le bien se déprécie par le seul fait de l'inflation du coût de la vie.

Enfin, le Regroupement des comités logement s'élève contre l'idée d'un dépôt de garantie. Pourquoi les Québécois seraient-ils incapables de réussir eux aussi une pratique qui fonctionne partout ailleurs? Un dépôt de garantie assurerait concrètement le respect de la loi et un dédommagement face à un locataire insolvable et introuvable.

Les réalités ont beaucoup évolué, mais les lois n'ont pas été adaptées. Le véritable enjeu, c'est la disparition graduelle d'un parc de logements vieillissant. De moins en moins d'immeubles locatifs sont viables à long terme et il ne s'en construit plus. Voilà le défi auquel doit s'attaquer le ministre Pierre Moreau avant que les taux hypothécaires remontent et que la crise du logement éclate.