Les chênes de l'avenue des Braves revêtaient leur feuillage ocre en cette fin octobre, alors que nous courrions vers le nord. La descente vers le monument des Braves facilitait nos efforts et nous n'étions pas pour nous en plaindre, malgré ce début d'entraînement.

Les chênes de l'avenue des Braves revêtaient leur feuillage ocre en cette fin octobre, alors que nous courrions vers le nord. La descente vers le monument des Braves facilitait nos efforts et nous n'étions pas pour nous en plaindre, malgré ce début d'entraînement.

«Tiens, salut Yves!»

Notre ami venait de quitter l'arrière du peloton pour se frayer un chemin entre nous. Nos trois paires de jambes battaient le pavé d'un seul et même rythme.

Les érables dressaient leurs branches nues dans un ciel cobalt inondé des rayons obliques du soleil couchant. L'air était vif et nos poumons se régalaient de sa fraîcheur.

C'était un moment magique et notre cadence synchrone ne faisait qu'accentuer ces sentiments de plénitude et de paix qui nous habitaient.



«Les gars, je suis tellement content d'être ici: le Québec et le Canada, c'est Disneyland pour les grands. Quel bonheur!». C'est en ces mots que Fabrice Gevaudan décrivait son pays d'adoption.

Arrivé au Canada au début des années 90, il était un grand amoureux de la nature, un passionné de plein air, de course à pied, de plongée sous-marine, de défis, de dépassements. Il a vécu quelques années à Montréal avant de venir vivre dans la ville de Québec, où je l'ai connu en 2005.

Ensemble, nous faisions de la course à pied et Fabrice n'avait de cesse de s'émerveiller de ce que lui offrait la ville lors de nos sorties: le fleuve Saint-Laurent, le parc des Champs-de-Bataille, le parlement, l'automne et ses feuilles multicolores, l'hiver et son froid mordant.

Alors qu'il était dans le processus de sélection pour la Gendarmerie royale du Canada, j'ai admiré sa détermination et son travail acharné afin qu'il puisse réaliser son rêve, celui de faire partie de l'un des corps de police les plus respectés et les plus emblématiques du monde.

***

En regardant tes funérailles régimentaires de mardi à Moncton, j'ai bien sûr été rempli de peine; la peine d'avoir perdu un ami, de savoir que nous aurons à continuer notre chemin sans ton sourire, ta joie de vivre, ta générosité et l'amour que tu nous portais.

J'ai également ressenti une immense fierté, la fierté d'avoir connu un être exceptionnel qui a donné sa vie pour en sauver d'autres.

Au cours de cette cérémonie empreinte de traditions et de décorum, les plus grands honneurs t'ont été faits à juste titre et ceux-ci resteront marqués à jamais dans ma mémoire, au même titre que ces souvenirs immortels d'enjambées et d'amitié.

Fabrice, ou Fabuleux, comme j'avais si souvent l'habitude de t'appeler, puisses-tu reposer en paix, cher ami.

Sur la terrasse Dufferin, le vent d'ouest fouettait notre visage.

Le foulard sous les yeux, la buée de notre respiration gelait instantanément et s'accumulait joyeusement sur nos sourcils en délicats cristaux. Malgré le froid, l'intensité de nos efforts. Nous protégeait de la morsure de l'hiver.

PHOTO FOURNIE PAR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Le gendarme Fabrice Georges Gevaudan, 45 ans, est l'une des trois victimes de la fusillade qui a eu lieu le 4 juin dernier à Moncton, au Nouveau-Brunswick.