Le vol du poupon d'un jour a captivé la population entière du Québec. Les médias sociaux se sont enflammés et, heureusement, l'histoire s'est bien terminée. La presse n'a pas tardé à tirer profit de cet événement en mettant sur la sellette le manque de sécurité dans les hôpitaux, alors qu'un tel enlèvement est rare. À quand remonte le dernier? Au début des années 90.

Ce qui n'est pas un fait anecdotique par contre, c'est qu'au Québec, une personne sur cinq sera atteinte d'un trouble mental dans sa vie, notamment de dépression ou d'épuisement professionnel. La maladie affectera l'entourage de ces personnes et pourra même, comme dans le cas de madame Poulin-Collins, être la cause de préjudices. Même si les campagnes de sensibilisation martèlent l'importance de demander de l'aide lorsque l'on se sent sous l'emprise d'un tel mal, l'accessibilité à des soins psychiatres est gravement problématique au Québec.

Si vous souffrez de maladie mentale, vous êtes chanceux de vivre ou de travailler dans la ville de Laval ou celle de Québec. Dans ces deux cas, le délai de traitement peut aller jusqu'à maximum de deux mois. Pour Montréal ou les régions de l'Outaouais, Lanaudière ou les Laurentides, vous devriez faire preuve de patience avant d'être vu. Il pourrait s'écouler des années avant 'apparition des premiers symptômes et la pose d'un diagnostic.

Le syndrome des portes tournantes

Si vous avez des idées suicidaires, on vous dirigera aux urgences. Mais n'espérez pas y être pris en charge à long terme. Le protocole des urgences en ce qui a trait aux personnes souffrant de maladies mentales, c'est de stabiliser, transférer et retourner. C'est le syndrome de la porte tournante. Les malades avec troubles psychiques arrivent, repartent, et y reviennent, pour repartir de plus belle.

Selon des données probantes, on estime que la meilleure chance de s'assurer d'un rétablissement à long terme est de combiner les soins pharmacologiques à une psychothérapie.

Pourtant là, comme, ailleurs, on coupe. Ces dernières années, des milliers d'organismes communautaires spécialisés dans l'accompagnement de gens souffrant de maladies mentales ont vu leur budget sabré par le gouvernement, alors que ces organismes sont la décharge du système institutionnel qui y confie les patients sur les listes d'attente. Nous avons fait un choix de société au Québec: la santé mentale est un luxe. Seuls ceux qui ont de bonnes assurances ou qui ont les moyens financiers peuvent se l'offrir rapidement.

Le cas du vol du poupon est un acte isolé, un fait divers. Cependant, les Valérie Poulin-Collins se multiplient au Québec. S'ils ne sont pas soignés, les gens souffrant de maladies mentales peuvent devenir des bombes à retardement. Au lieu de demander aux directeurs d'établissements hospitaliers d'élaborer des stratégies de sécurité pour barricader leur hôpital, le ministre de la Santé, le Dr Barrette, devrait décréter l'urgence à la grandeur du Québec et ainsi prioriser la santé mentale, au nom de tous ceux et celles qui méritent d'aspirer à retrouver légitimement leur bien-être psychique. Autrement, les médias rapporteront encore et toujours des histoires, au déroulement beaucoup moins heureux, sur les sévices que la maladie mentale inflige à notre société.