Décédé hier à la suite d'un malaise cardiaque, l'auteur a été cofondateur de la firme SECOR et candidat à la mairie de Montréal en 2013. La veille de son décès, il a fait circuler ce texte, que nous publions en hommage à son exceptionnelle contribution au développement de Montréal.

Aucune analyse objective et indépendante n'a jusqu'à maintenant comparé le projet du SLR à l'alternative la plus plausible, un système de bus rapide. La reconstruction du pont Champlain crée une urgence indéniable pour une telle analyse. Car les enjeux pour Montréal sont immenses.

Des 42 000 personnes qui empruntent le pont Champlain aux heures de pointe aujourd'hui, environ 22 000 le font par transport public, en autobus. Le nouveau pont Champlain permettra d'améliorer l'offre.

L'impact sur la demande est beaucoup plus incertain. Ce n'est pas parce qu'il y a un système de transport plus efficace entre les deux rives que les résidants de la Rive-Sud choisiront de travailler à Montréal. À court et moyen termes, une hausse de 10% à 25% est plausible aux heures de pointe. Les plus optimistes avanceront 50%, soit quelque 33 000 personnes, un chiffre qui doit être traité avec prudence. Un système de bus peut accommoder une demande de pointe de 33 000 personnes sur le pont Champlain, sans d'ailleurs engorger le centre-ville.

Le principal avantage du SLR est sa capacité: quelque 30 000 passagers à l'heure, soit bien au-delà de la demande potentielle actuelle. En fait, la capacité qu'offre un SLR ne peut se justifier que s'il y a une croissance démographique substantielle sur la Rive-Sud, avec évidemment un impact majeur sur le développement démographique de Montréal.

Sur les autres critères, tels le confort et l'environnement, les deux systèmes se valent, comme l'ont établi diverses études de l'Institute for Transport and Development Policy, une autorité en cette matière.

Les désavantages du SLR

Le débat actuel passe sous silence deux désavantages importants du SLR, outre ses coûts. D'une part, le SLR imposerait à la majorité de ses passagers une correspondance, qui allongerait la durée de leur trajet, et aura donc un impact négatif sur l'achalandage. Car ironiquement, le succès du SLR serait tributaire d'un réseau d'autobus efficace sur la Rive-Sud. Un système de bus rapide a le grand avantage d'exploser en réseaux capillaires à chaque extrémité: les gens de Saint-Jean et de Boucherville peuvent venir au centre-ville par bus sans correspondance. Ce réseau capillaire peut aussi s'adapter à l'émergence de nouveaux quartiers, ce qui n'est pas le cas d'un SLR, qui ne dessert qu'un axe.

Et à Montréal, il n'y aura pas d'invasion d'autobus au centre-ville. En fait, rien n'oblige tous les bus de la Rive-Sud à aller au même endroit. Plusieurs terminus secondaires (Lionel-Groulx, Aéroport de Montréal, Berri-UQAM, Palais des congrès, etc.) peuvent alléger l'achalandage au terminus principal du 1000 de La Gauchetière, et absorber les quelque 100 bus supplémentaires qu'entraînerait une hausse de 30% de l'achalandage, l'estimation la plus plausible.

L'aménagement urbain

Mais le plus grand enjeu du SLR, outre son coût, est son impact sur l'aménagement urbain. Le centre-ville ne sera qu'à 16 minutes (le chiffre de l'AMT) d'un terminal situé au sud de l'autoroute 30. La construction du SLR ouvre à l'urbanisation un territoire agricole dont la superficie est trois fois celle de Brossard, et qui pourrait accueillir à terme quelque 250 000 habitants.

L'impact pour Montréal est majeur: avant d'ouvrir cette possibilité, la question mérite d'être débattue. Le SLR ajoute plus de 1 milliard à l'investissement requis pour un système de transport collectif sur le nouveau pont Champlain. Les résidants de l'île de Montréal, qui représentent le quart de la population du Québec, pourraient faire meilleur usage de cet argent, par exemple désengorger le métro et améliorer les liens est-ouest, etc.

Avant de choisir entre un SLR et un système de bus comme mode de transport public sur le pont Champlain, une analyse objective et indépendante s'impose.