Chers militants pro-choix et pro-vie, ce texte ne s'adresse pas à vous, mais aux millions de Québécois et Canadiens qui sont résolument au centre de cet enjeu social.

Justin Trudeau a récemment relancé le débat entourant l'avortement au pays lorsqu'il a publiquement dit qu'aucun des nouveaux candidats libéraux ne pourra être pro-vie. Sans vouloir rentrer sur les mérites, j'aimerais m'attarder à la situation de l'avortement au Canada.

Tout d'abord, même si je déteste les étiquettes, je me définirais comme un «pro-choix» modéré. La raison de cette modération est que le Canada est unique parmi les pays développés puisqu'il n'y a aucune législation fédérale encadrant la pratique.

Certains diront que les collèges des médecins dans les différentes provinces établissent les pratiques à suivre, ce qui équivaut à un certain encadrement. Le problème, c'est qu'une femme peut avorter sans motif valable jusqu'au septième ou huitième mois, sans aucune accusation criminelle ni contrôle.

Certaines cliniques, comme la clinique Morgentaler, refusent les avortements dépassés la limite de 20 semaines. Mais elles vont référer ces mêmes patientes à d'autres cliniques au Québec et même aux États-Unis, où de telles pratiquent sont tolérées.

Selon les données de l'Institut canadien d'information de la santé, il y a eu 93 755 avortements au pays, en 2009. Ces données ne sont pas nécessairement exactes puisque les hôpitaux et les cliniques ne rapportent pas tous les avortements faits pendant une année donnée. Sur ces presque 100 000 avortements, 1,9% ont eu lieu après 21 semaines. Ce pourcentage peut sembler petit, mais il signifie qu'il y a eu plus de 1900 avortements après 21 semaines (5 mois). Il n'est pas irréaliste de penser que de ce nombre, plusieurs ont été faits après le seuil des 24 semaines, ou même plus tardivement.

De plus, les données de gestation ne sont pas disponibles pour le Québec, et plus de 17,8% des avortements ont eu lieu à des phases de gestation «non déterminées», il y a donc de fortes chances qu'il y ait eu plus d'avortements tardifs.

Il y a un débat à savoir si un foetus ressent de la douleur avant 24 semaines. Ce qui est certain, c'est que grâce à la technologie disponible aujourd'hui, un foetus peut survivre à l'extérieur de la mère à cet âge. Et, au cours des prochaines années, cette technologie n'ira qu'en s'améliorant, il sera possible de sauver des bébés encore plus prématurés. Cet enjeu nous amène au coeur du débat moral sur l'avortement: à quel moment la vie humaine commence-t-elle?

Il serait important de regarder ce que des pays similaires au nôtre ont fait. La France proscrit les avortements après 12 semaines. La Suède oblige la femme à recevoir l'approbation d'un comité après 18 semaines et proscrit les avortements lorsque l'enfant peut être viable, ce qui a été interprété comme une limite de 22 semaines. La Grande-Bretagne, quant à elle, proscrit l'avortement après 24 semaines.

Comme nous pouvons le constater, il y a différents types de politiques publiques mises de l'avant par d'autres pays occidentaux. Tous ces pays ont réalisé que l'avortement n'avait pas besoin d'être un enjeu partisan. Ils ont légiféré en ce sens et ont ainsi donné une certaine flexibilité aux femmes tout en mettant des balises claires.

Jusqu'à ce que nous arrivions à ce même genre de compromis, nous allons continuer à avoir des milliers de militants pro-vie qui vont envahir les rues de la capitale nationale chaque année et des militants pro-choix qui vont traiter toute personne modérée sur l'enjeu comme anti-femmes. Le Canada est un pays «progressiste» sur l'enjeu de l'avortement, mais comme pour tout, il y a une limite.