En 2010, le Québec se classait parmi les derniers dans la liste des pays francophones pour le nombre d'années requises pour l'entrée à la pratique infirmière. En fait, il est au même rang que certains pays africains (Mali et République du Congo). Sommes-nous donc un pays émergent?

En 2012, lors de l'assemblée générale du Secrétariat international des infirmières et infirmiers de l'espace francophone (SIDIIEF) à Genève, un vote majoritaire des délégués a été favorable à la formation universitaire pour l'entrée à la pratique des infirmières francophones. Le Québec est la seule province au Canada qui n'exige pas encore une formation de niveau universitaire pour accéder à la pratique infirmière.

En fait, ici au Québec, bien que les groupes consultés par le gouvernement étaient d'accord avec le besoin de rehausser la formation des infirmières, aucune action n'a été prise pour exiger une formation universitaire pour les nouvelles infirmières. Rappelons que le gouvernement précédent a pris cette position en ignorant l'avis de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ). Soulignons qu'une proposition avait été adoptée avec une très grande majorité lors de l'assemblée générale annuelle, où près de 1000 infirmières représentant l'ensemble des infirmières du Québec étaient présentes. Néanmoins, les gouvernements des 40 dernières années ont ignoré les demandes répétées en faveur d'un rehaussement de la formation infirmière.

L'OIIQ a comme mandat d'assurer la sécurité du public et cette préoccupation est sous-jacente à la demande de hausser la formation de la relève infirmière. Les résultats d'une vaste étude publiée récemment par The Lancet ont démontré que les patients ayant subi une intervention chirurgicale avaient moins de risque de mourir s'ils étaient soignés par une plus grande proportion d'infirmières formées à l'université.

Rappelons aussi qu'il revient à l'infirmière de faire l'évaluation globale pour détecter et agir devant les signes avant-coureurs d'une détérioration de l'état de santé d'un patient, qu'il soit à l'hôpital, aux urgences, à domicile ou en milieu d'hébergement. C'est ainsi que les infirmières préviennent les complications, sauvent des vies et des millions de dollars au trésor québécois. Il semble que les politiciens valorisent davantage des considérations économiques à court terme que des actions immédiates en vue d'assurer la santé des Québécois.

Décider de donner aux futures infirmières une formation leur permettant d'acquérir des connaissances plus approfondies est fondamental à la santé et à la sécurité de la population. Cette dernière a le droit de savoir que trois années de formation au cégep ne suffiront plus pour répondre à leurs besoins. Malgré la tendance internationale reconnaissant la nécessité d'une formation universitaire, notamment par les provinces canadiennes, les pays de l'Union européenne, la Grande-Bretagne ainsi que les pays de la Francophonie, cela n'a pas l'air d'être compris au Québec. Dans cette perspective, une formation infirmière plus approfondie et plus scientifique est un investissement dans la santé de la population.

MM. Couillard et Barrette, serez-vous en mesure de faire preuve de courage politique et de reconnaître enfin à quel point les infirmières sont au coeur de notre système de santé et leur donner les moyens d'assurer la sécurité des patients québécois?

Cette lettre a été rédigée par un regroupement d'infirmières préoccupées par la santé de la population : Sandie Larouche, Claire Thibault, Hélène Ezer, Clémence Dallaire, Annie Chevrier, Patricia Alfaro, Natalie Stanke-Doucet, Elaine Doucette, Josée Bonneau, Françoise Filion, Lucille Juneau, Martine Dallaire, Lucie Lemelin, Chantal Verdon et Sylvain Brousseau