Le rodéo électoral étant terminé, il est grand temps de revenir sur les tâches urgentes auxquelles nous sommes confrontés et qui ont été négligées durant la campagne. Il faut le rappeler: plus qu'une société en transition, le Québec est à réinventer. Mais il a besoin pour cela d'une vision qui fait présentement défaut. Dans cet esprit, les axes suivants devraient nous interpeller en priorité.

1 - L'économique et le social

Selon plusieurs, nous ne produisons plus suffisamment de richesse pour soutenir nos politiques sociales. Ce sujet est au coeur d'une intense polémique. N'y a-t-il pas moyen d'y voir clair et de s'entendre sur quelques dispositions raisonnables qui feraient avancer les choses sur ces deux plans, comme nous avons su le faire dans le passé?

2 - L'affirmation québécoise et le pluralisme

Les débats récents ont répandu l'idée que le respect de la diversité érodait l'identité nationale, que l'intégration des immigrants compromettait nos valeurs. Or, ces thèses n'ont jamais été démontrées. Comment instituer sur ce sujet une réflexion collective rigoureuse?

3 - Développement et environnement

Ces deux impératifs sont devenus antinomiques. On s'entend pourtant sur la nécessité de profiter au maximum de nos ressources et de réorienter l'économie pour y intégrer les urgences de l'écologie. Là encore, il faudrait sortir des polarisations stériles et s'accorder sur des priorités réalistes.

4 - Le public et le privé

À cause de son endettement, l'État n'est plus le levier qu'il a été. Il y a des conclusions à en tirer pour les citoyens qui doivent se faire plus actifs à la base et pour les entreprises qui demeurent trop gourmandes en matière de subventions publiques.

5 - Le Québec et la mondialisation

Dans le concert des États-nations, le Québec demeure un petit joueur, comme bien d'autres. C'est aussi une minorité politique au Canada et une minorité culturelle en Amérique. On doit en prendre compte et élaborer des stratégies en conséquence face à la mondialisation. On songe surtout à l'insertion internationale de notre économie et à l'avenir de notre langue.

La recherche d'équilibres

Sur chacun de ces axes, il faudra faire preuve de créativité pour conjuguer des impératifs et des aspirations qui peuvent devenir incompatibles si l'on cède à la radicalisation. Mais ils ne le sont pas nécessairement si l'on sait imaginer des orientations à long terme qui passent par la voie du compromis.

Sur ce terrain, le Québec n'est pas démuni. En se référant au dernier demi-siècle, songeons à la façon dont nous avons fait avancer la francophonie tout en nous ajustant à l'heure nord-américaine, ou à la façon dont nous avons combiné un nationalisme vigoureux avec des politiques libérales et progressistes. L'essor conjoint de la croissance économique et des politiques sociales (centrées notamment sur l'égalité et la réduction des inégalités) en est une autre illustration.

Mais aujourd'hui, ces équilibres sont soit défaits, soit remis en question.

Réinventer dans la continuité

Il ne s'agit pas de réinventer tous azimuts, mais à partir de nos institutions et de ce que nous sommes, principalement les valeurs fondamentales forgées au cours de notre histoire.

Le Québec possède un riche héritage qui conduit à valoriser l'affirmation collective, le respect de soi et des autres, la fidélité au passé, l'entrepreneuriat, l'innovation, la solidarité, l'égalité, la démocratie. Là devrait se trouver la vraie source de notre fierté et de notre motivation à faire de la prochaine décennie celle de la réinvention sur fond de consensus et de continuité.

Du travail pour tous

Voilà des chantiers urgents pour le nouveau gouvernement, comme pour l'ensemble des Québécois. Mais avant tout, il presse de restaurer la confiance des citoyens en éradiquant la culture de corruption qui gangrène une partie de notre société. Il faudra aussi travailler très fort pour restaurer la crédibilité de la classe politique, mise à mal durant la récente campagne.