Depuis que les maires Denis Coderre et Régis Labeaume réclament un statut particulier pour la métropole et la capitale, les termes de grandes villes, métropoles, cités-États, etc., ont été utilisés par des politiciens, journalistes et chroniqueurs. Dans le cas de Montréal, ces discours ont provoqué une certaine confusion concernant l'identité sociogéographique de la métropole.

Historiquement, le terme de métropole désigne le siège d'un pouvoir, religieux ou autre. Mais depuis la Révolution industrielle, il définit surtout une grande ville issue de deux forces : une force centripète qui concentre des activités économiques dans une région et une force centrifuge amenant la population à se disperser sur son territoire en fonction des moyens de transport existants. Il en résulte aujourd'hui de vastes régions urbanisées, complexes et... difficiles à gérer.

L'histoire de la métropole de Londres est éclairante. Poursuivi sans contrainte et à basse densité dans la plaine de la Tamise, son développement s'est traduit par un assemblage bancal de paroisses et de districts autonomes entourant la City originelle.

Le développement de l'identité métropolitaine londonienne fut un long processus dont la dernière étape consista en la création en 1999 de la Greater London Authority (en remplacement du County Council initial), lequel chapeaute aujourd'hui les 32 boroughs de la métropole et assure un partage relativement clair des compétences. Le maire de Londres est maire de toute cette région métropolitaine.

Pour capter davantage l'attention du gouvernement du Québec sur ses besoins, Montréal doit, à l'exemple du Grand Londres, mieux définir son identité sociogéographique. La particularité de l'archipel montréalais tend à trop braquer les projecteurs sur l'île elle-même, contribuant ainsi à la détacher de son cadre régional. En gros, on ramène souvent la métropole à la ville ou à l'île de Montréal, d'où une perception étriquée des souhaits, des jugements et des décisions.

Par exemple, on s'inquiète beaucoup de l'exode des jeunes familles et de la chute du poids démographique au profit des banlieues, à propos notamment de la survie du français comme langue commune. Or, dans les faits, les résidents de Laval, de Longueuil ou de Valleyfield ne sont pas des « banlieusards » comme c'était le cas il y a un siècle. À l'exemple des résidents de Harrow, de Lewisham ou de Redbridge du Grand Londres, ce sont aujourd'hui des résidents du Grand Montréal. Il serait intéressant de savoir si, à cette échelle métropolitaine, la survie du français est à ce point menacée.

Cette situation n'est guère différente de ce qui est observable dans la plupart des métropoles du continent nord-américain. Dans tous les cas, comme le montrent bien Boston et Portland (Oregon), l'identité métropolitaine s'affirme surtout par une planification à l'échelle de la région et par la poursuite d'un meilleur partage des compétences et des coûts entre le centre et la périphérie.

À Montréal, un processus semblable fut enclenché en 2001 par la création de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), remplaçant la Communauté urbaine de Montréal, concernée uniquement par l'île. La CMM regroupe 82 municipalités réparties sur plus de 4360 kilomètres carrés et qui hébergent quelque 3,7 millions d'habitants. Ses compétences comprennent le développement économique, l'aménagement du territoire, le transport en commun, le logement social et l'environnement.

Le caractère métropolitain de Montréal a été bien compris et assumé dans le Plan métropolitain d'aménagement et de développement (PMAD) adopté par le conseil de la CMM et entré en vigueur en mars 2012 pour les vingt prochaines années. Il s'agit d'un plan bien conçu, articulé et détaillé, avec des orientations et des objectifs clairs s'inscrivant dans la perspective du développement durable.

Mais le véritable défi consiste à mettre ce plan en oeuvre, à l'enraciner, à lui faire prendre vie de façon que Montréal ne soit plus seulement perçue comme une ville ou une île, mais comme une métropole embrassant une grande région à l'exemple de Londres, Boston ou Chicago. Son poids politique n'en sera que plus fort et son apport à la prospérité du Québec plus évident.