Ayant occupé les fonctions de sous-ministre pendant près de 15 ans, dont sept au service du premier ministre, et de président du CN de 1992 à 2002, je tiens à vous faire part de la surprise et des préoccupations que m'inspire le projet de loi C-30, qui cible injustement les chemins de fer dans le cadre de circonstances extrêmement inhabituelles ayant touché le système de livraison des céréales cette année.

Je suis l'évolution des deux chemins de fer canadiens, et en particulier du CN, depuis plusieurs années. J'ai pu constater de près de quelle façon le CN avait surmonté d'importantes lacunes structurelles au cours de la période suivant la privatisation, et comment une remarquable transformation avait permis à la compagnie de devenir un chef de file mondial de l'industrie ferroviaire.

J'ai également constaté de quelle façon le CN et le CP se sont mutuellement stimulés en innovant dans leur mode d'exploitation et leur service à la clientèle. Cette transformation s'est accomplie dans un cadre commercial. Et maintenant, d'un trait de plume, le gouvernement canadien est soudainement en train d'inverser le cours des choses en s'orientant vers une règlementation lourde de conséquences, en réponse aux revendications infondées et inappropriées de groupes de pression agricoles qui demandent un contrôle accru sur les chemins de fer.

Situation exceptionnelle

Revendications infondées, car le secteur céréalier a dû composer avec ce qui est largement reconnu comme étant une récolte aux dimensions historiques, une récolte pour laquelle personne ne pouvait se préparer aussi rapidement dans un délai aussi court, et qui peut être ou non représentative de ce qui est à venir. Infondées, car il a fallu transporter cette récolte historique pendant un hiver également reconnu comme ayant été exceptionnel, marqué par de longues périodes de froid extrême.

J'ai souvenir de ce qu'une telle situation cause à l'exploitation ferroviaire, et ce n'est pas facile, le froid continu nécessitant l'utilisation de trains plus courts et imposant plus de congestion sur le réseau.

Revendications inappropriées, car le projet de loi proposé en résultant, y inclus l'élargissement des limites de manoeuvres interréseaux de 30 à 160 kilomètres pour les céréales dans les Prairies, peut être extrêmement nuisible pour l'industrie ferroviaire et, par conséquent, pour les agriculteurs que ces changements sont sensés favoriser. Ce projet de loi peut mener à une « re-réglementation » complète du secteur ferroviaire, une situation que le Canada cherche à éviter depuis des décennies.

Le gouvernement devrait faire tout le contraire. Il devrait continuer de s'appuyer sur des incitatifs de nature commerciale, encourageant l'innovation et la productivité avec moins d'intervention gouvernementale, pas plus. Le gouvernement devrait favoriser une approche plus équilibrée à l'égard des problèmes soulevés par les groupes d'intérêt du secteur céréalier, et prendre le temps d'examiner soigneusement les conséquences d'une réglementation accrue, plutôt que de prendre des décisions hâtives que nous pourrions tous amèrement regretter.