Je suis déçu, je suis triste. J'essaie de comprendre. J'essaie de me l'expliquer. Plus ça va, plus ça devient clair: j'en veux à François Legault.

Mon arrivée en «politique active» s'est faite par accident. Un ami avait accepté de se présenter aux élections de 2012 sous la bannière de la Coalition avenir Québec. Mon métier fait de moi un spécialiste de l'analyse de données. Mon ami, un peu grâce à mon aide, a probablement causé une des plus grandes frousses à un politicien très connu, assuré d'être réélu.

Après l'élection du Parti québécois en 2012, la CAQ m'a offert d'être bénévole dans ma circonscription. J'ai assisté à un congrès de la CAQ. Cette journée-là, François Legault nous a présenté son Projet Saint-Laurent. J'ai acheté le livre.

Voici, selon moi, le premier vrai projet de société qu'on nous offre depuis le projet indépendantiste de René Lévesque. Je suis enthousiaste, je suis fébrile. Voici la lumière au bout de notre tunnel social. J'adore.

Puis, arrive la campagne électorale de 2014. J'avais hâte. Le parti qui sort des débats stériles sur le référendum entre les «vieux partis» va pouvoir convaincre les Québécois qu'ils ont devant eux la réelle possibilité d'un avenir meilleur. On va devenir une société d'innovation! On va nous référer comme on se réfère à la Silicon Valley, une place d'où vient le futur. À nous les prochains Google, Facebook et autres Microsoft. De chez nous viendront les nouvelles énergies vertes. Nous serons à l'origine des plus grandes percées contre le cancer, contre le SIDA.

Que s'est-il passé? Le parti de l'avenir a fait une campagne du passé. Le parti des nouvelles idées a tout fait pour ne pas être élu.

Monsieur Legault s'est loué un autobus avec sa face dessus. Il en a loué un autre pour transporter des reporters qui allaient, l'espère-t-il, transmettre son message. Il s'est promené de villes en villages pour faire des discours devant des salles où seuls des bénévoles ou des fervents partisans se trouvaient devant lui.

Il fallait donc espérer que les médias de masse sur place transmettent le message. François Legault devrait savoir que ce n'est pas leur rôle.

Depuis le début de la campagne électorale, j'ai plus entendu parler du «selfie» d'Elen Degeneres, d'un clip sur des supposés premiers baisers d'une compagnie de vêtement ou d'un autiste des Maritimes qui panique sur la météo, que je n'ai entendu parler des bases du Projet Saint-Laurent.

À qui la faute? Aux médias? Non. Leur faute, c'est de ne plus respecter l'intelligence de leur auditoire, de se contenter de la facilité. La conséquence? Leur auditoire les laisse pour d'autres sources d'informations, comme Twitter, Facebook et YouTube. À eux de se pencher sur ce problème.

La faute est celle de la CAQ. Tout politicien d'expérience aurait pu dire que le message de la CAQ ne passerait pas par les médias traditionnels. Penser autrement, c'est comme penser qu'un artiste peut sortir un nouveau disque et le vendre uniquement ou principalement par des disquaires en faisant abstraction des iTunes de ce monde. Même Serge Fiori n'a pas fait cette erreur avec son nouvel album.

Les sommes d'argent que la CAQ a dépensées en location d'autobus, en location de salles pour faire des annonces, en essence, en repas et autres indemnités quotidiennes, auraient dû être dépensées à faire des messages viraux que les médias traditionnels n'auraient pas eu le choix de reprendre (comme le fait si bien Rob Ford ou David Thibault).

On a fait les gorges chaudes de l'engagement d'Yves Desgagnés dans la campagne du Parti québécois. Moi, je crois qu'un Podz aurait été tellement plus utile à la CAQ qu'un autobus, fût-il fabriqué par Prévost Car.

J'en veux à François Legault. Il m'a fait rêver. Il m'a redonné le goût de rester au Québec et d'être un participant actif à sa croissance. Mais finalement il n'aura pas fait ce qu'il fallait: faire de la politique autrement et se faire élire.