Nicolas Marceau, ministre des Finances du Parti québécois, a affirmé la semaine dernière qu'un Québec indépendant se classerait au 27e rang dans le monde en termes de richesse, «parmi le premier 12% dans le club des pays riches». Il a aussi affirmé que la dette publique d'un Québec indépendant serait inférieure à celle de la moitié des pays de l'OCDE.

Examinons ces affirmations de plus près. Le Fonds monétaire international a établi un classement de pays par PIB par habitant en 2012, ajusté pour des différences de pouvoir d'achat. Il y a un total de 187 pays dans le classement, ce qui placerait le Québec parmi le 14% des pays les plus riches; on n'est pas loin du 12% mentionné par M. Marceau.

En se limitant aux pays de l'OCDE, le Québec serait devancé par 20 pays: Luxembourg, Norvège, États-Unis, Suisse, Canada, Australie, Autriche, Pays-Bas, Irlande, Suède, Islande, Allemagne, Belgique, Danemark, Royaume-Uni, Japon, Finlande, France, Israël et Corée du Sud (en ordre décroissant de richesse).

Il devancerait 14 pays: Espagne, Italie, Nouvelle-Zélande, Slovénie, République tchèque, Grèce, Slovaquie, Portugal, Estonie, Pologne, Hongrie, Chili, Mexique et Turquie.

5e pays le plus endetté

En ce qui concerne l'endettement public du Québec, le ratio de la dette provinciale par rapport au PIB était de 47,9% en 2009-2010, dernière année où des chiffres sont disponibles pour les pays de l'OCDE. Le Québec serait effectivement à mi-chemin dans ce palmarès. Par contre, ce calcul néglige la question du partage de la dette fédérale.

Si le Québec assumait une part de la dette fédérale égale à sa part dans la population canadienne, sa dette totale augmenterait de 81%. Le Québec indépendant se retrouverait avec un ratio de dette par rapport au PIB de près de 87%, ce qui lui confèrerait la 5e place des pays les plus endettés de l'OCDE, derrière le Japon, la Grèce, l'Italie et l'Islande.

Les remarques de M. Marceau soulèvent deux autres questions importantes. Il y a d'abord l'impact de l'indépendance sur le taux d'intérêt auquel pourrait emprunter le Québec. Le Trésor du Royaume-Uni a estimé une «prime de risque pour l'indépendance» de 72 à 165 points de base (0,72 à 1,65%) pour l'Écosse si jamais elle devenait un pays indépendant. Si un phénomène semblable se produisait au Québec, et utilisant un chiffre rond de 1%, les paiements d'intérêt sur sa dette augmenteraient d'environ 2,5 milliards, sans ajouter la part de la dette fédérale.

Deuxièmement, un rapport de l'Institut de la statistique du Québec indique que les transferts nets du gouvernement fédéral vers le Québec équivalaient en 2012 à 4,3% du PIB de la province, soit environ 16 milliards, transferts dont le Québec devrait se passer et qui augmenteraient potentiellement d'autant son déficit.

Réclamer la 27e place dans le monde - ou la 21e place parmi les 34 pays de l'OCDE - en termes de richesse n'est pas forcément très vendeur, surtout lorsqu'on néglige l'impact de la perte des transferts fédéraux. Affirmer que l'endettement d'un Québec indépendant serait modéré est téméraire. Est-ce que cela revient à annoncer l'intention du gouvernement de renoncer à une part raisonnable de la dette fédérale? Sinon, le Québec commencerait sa vie de pays indépendant avec un fardeau plutôt élevé en termes de dette, et aussi en termes de paiements d'intérêt sur sa dette.