La monnaie constitue un important symbole de l'identité d'un peuple. Un Québec indépendant devrait donc avoir sa propre monnaie, un dollar québécois. Dans la perspective d'un éventuel référendum, il importe donc d'analyser les effets qu'entrainerait le remplacement du dollar canadien par le dollar québécois.

La valeur d'un dollar québécois et sa stabilité sont les deux principales questions qui se posent. La valeur d'une monnaie est liée à la vigueur de l'économie, des finances publiques et de la dette d'un pays. Mais la valeur et la stabilité d'une monnaie dépendent du niveau de confiance que les citoyens, les investisseurs et les spéculateurs placent dans cette monnaie.

Compte tenu de ces facteurs, un nouveau dollar québécois aurait inévitablement une valeur inférieure à celle des dollars américain et canadien. Présentement, le dollar canadien vaut 90 cents par rapport au dollar américain; les analystes considèrent cette différence comme étant justifiée. De la même façon, on peut supposer que la valeur d'un nouveau dollar québécois se situerait aux environs de 85 cents par rapport au dollar canadien et de 75 cents par rapport au dollar américain.

Lors du changement de monnaie, les Québécois verraient leurs épargnes et leurs avoirs subir une baisse de l'ordre de 15%. Devant une telle éventualité, les Québécois prendraient toutes les mesures possibles pour éviter la dévaluation de leurs épargnes et de leurs avoirs. Ils mettraient leurs avoirs à l'abri à l'extérieur du Québec ou en dollars américains. Ce qui ajouterait à l'instabilité de la nouvelle monnaie et entrainerait une baisse additionnelle de sa valeur.

En d'autres termes, advenant une déclaration d'indépendance, le Québec n'aurait d'autre choix que de maintenir le dollar canadien. C'est d'ailleurs ce qu'avait reconnu le Parti québécois à la veille du référendum de 1995. L'utilisation du dollar canadien nécessiterait normalement la conclusion d'une union monétaire entre le Québec nouvellement indépendant et le Canada, morcelé par le départ du Québec. La conclusion d'une telle entente serait hautement problématique.

On pourra le voir en Grande-Bretagne si les Écossais votent en septembre prochain pour leur indépendance. Le chancelier de l'échiquier britannique les a prévenus qu'ils ne pourraient conserver la livre sterling, la population britannique ne l'accepterait pas. Il est évident que le premier ministre canadien serait dans la même situation advenant un vote des Québécois pour l'indépendance.

Le Québec n'aurait ainsi d'autre choix que de continuer d'utiliser le dollar canadien sans bénéficier toutefois de la protection d'une union monétaire. C'est-à-dire que la politique monétaire serait établie par la Banque du Canada strictement en fonction de la situation dans le reste du Canada.

Il y a une vingtaine d'années, l'Argentine s'est engagée dans cette voie. Elle a permis à ses citoyens d'échanger, selon un taux d'échange préétabli, leurs pesos contre des dollars américains. Les Argentins se sont empressés d'échanger leurs pesos pour des dollars américains et de les mettre à l'abri à l'extérieur du pays, ce qui a entrainé la chute de la valeur du peso et une véritable crise.

Il faut conclure qu'advenant l'indépendance du Québec, il lui serait nécessaire de négocier, dans un climat hostile, une entente pour éventuellement réintégrer le giron de la Banque du Canada à des conditions moins avantageuses que celles qui prévalent présentement.

Dans le contexte électoral actuel, certaines questions peuvent possiblement être reportées à l'éventuel livre blanc sur la souveraineté. Ce n'est pas le cas pour la question de la monnaie. Les électeurs sont en droit de savoir, avant d'exercer leur droit de vote, les intentions du Parti québécois au sujet de la monnaie dans un Québec indépendant.