La candidature de Pierre Karl Péladeau avec le Parti québécois a créé un tsunami médiatique. Plusieurs péquistes aux tendances messianiques crient au coup de génie de Madame Marois devant l'arrivée de ce nouveau Moïse qui saura, à leur avis, guider le peuple québécois vers la Terre promise.

Toutefois, bien que l'implication en politique d'un personnage aussi important doive être saluée, il est loin d'être évident qu'il s'agit d'un événement positif, M. Péladeau ayant démontré dans le passé de lourdes tendances à bulldozer ses adversaires et à écraser les orteils de ceux qui se trouvaient dans son chemin.

Plusieurs commentateurs saluent l'arrivée dans l'arène politique d'un grand entrepreneur. Des bémols s'imposent. D'abord, M. Péladeau n'est pas un bâtisseur d'empire, mais l'héritier d'une société déjà florissante, nuance. De plus, il a réussi à faire croître celle-ci essentiellement par deux moyens: l'appel aux fonds publics (l'achat de Vidéotron en 2001 grâce à l'aide massive de la Caisse de dépôt et placement et la construction de l'amphithéâtre à Québec à grands coups de subventions gouvernementales en sont les exemples les plus parlants) et le traitement des employés de son conglomérat avec une dureté et un mépris dignes du capitalisme sauvage (qui ne se souvient pas des lock-out chez Vidéotron et chez les deux fleurons de son empire de presse, Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec?).

Pas besoin d'être un lecteur assidu de Marx pour comprendre la stupeur de la gauche socialiste et sociale-démocrate devant l'adoubement du champion du lock-out intransigeant par la leader du PQ: la désertion d'une large part de sa frange sénestre vers Québec solidaire est plus que plausible, malgré la prétention du Parti québécois à être le seul véhicule vers l'indépendance.

Cela dit, les tenants de la rigueur budgétaire, de la remise en question du modèle québécois et de la liberté d'entreprise doivent-ils se réjouir de cet apparent virage à droite du PQ? Rien n'est moins sûr, parce qu'on peut être partisan de la libre-entreprise et d'une saine fiscalité (et même ratifier ses analyses sur l'avenir des médias) sans approuver les méthodes plus que discutables employées par l'ex-président de Québecor dans ses relations de travail avec ses employés, l'utilisation de briseurs de grève n'étant qu'une des plus visibles et détestables.

Ministre dans un gouvernement péquiste majoritaire, M. Péladeau aurait-il la tentation d'étendre aux employés de la fonction publique les pratiques qui lui ont si bien réussi dans son empire médiatique? Nul besoin d'être un paranoïaque frénétique pour le redouter. Sans compter les risques que fait courir à la démocratie et à la liberté de presse la convergence médiatique qu'il a si profondément développée chez Québecor et qu'il sera certes tenté de calquer s'il accède au pouvoir. Un pays à coups de lock-out et de manipulation des médias? Il faut hélas le redouter!

Ainsi, avec le recrutement de ce membre patenté des 1% de la planète (dont elle fait elle-même partie), Madame Marois a ajouté quelques degrés au virage à droite qu'elle a imposé à son parti depuis plus d'un an. Pas une simple droite fiscale ou économique (et encore moins une droite libérale et généreuse), mais une droite populiste et hargneuse, prête à maltraiter les membres des minorités pour s'emparer du pouvoir (la Charte), et qui s'accommode de l'existence du capitalisme, mais demeure essentiellement accrochée aux mamelles de l'État, qui ont les ont si bien servis, elle et sa nouvelle recrue.