Dans l'édition de La Presse de vendredi dernier, sous le titre «La discrimination des paparmanes», le comptable Pierre-Yves McSween s'élève contre le fractionnement permis des revenus à la retraite (revenus de pension admissibles). Alléguant que c'est une mesure injuste, discriminatoire et nuisible aux finances publiques, il pose la question suivante: «Avoir avantagé les retraités au détriment des jeunes couples est-il vraiment justifiable?»

Monsieur McSween, vous oubliez un peu l'histoire. La raison en est bien simple, c'est pour pallier un tant soit peu à des décennies de disparités de revenus entre les hommes et les femmes, selon les traditions de l'époque. Traditions qui «obligeaient» les femmes une fois mariées à travailler et à demeurer à la maison, sans salaire, plutôt que travailler à l'extérieur et recevoir un deuxième salaire familial.

Quand j'ai commencé à enseigner en 1961, il y avait deux échelles de traitements différentes pour les hommes et les femmes. Pour un même travail, ma blonde, qui était plus compétente que moi, gagnait moins que moi. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. À compétence égale, votre blonde enseignante au Cégep gagne autant que vous.

Lorsque nous nous sommes mariés et que ma blonde est devenue enceinte, il a fallu qu'elle cesse d'enseigner. Une femme qui enseignait enceinte avec une bedaine était mal vue. Aujourd'hui, votre blonde peut quasiment enseigner jusqu'à l'accouchement. Quand ma blonde a accouché, aucun de nous n'avoir pu avoir un congé parental. Aujourd'hui, mes impôts vous paient un congé parental.

Quand ma blonde a voulu retourner sur le marché du travail, elle n'a pas pu le faire. Elle a dû perdre de nombreuses années de salaire et de participation à un fonds de pension. Aujourd'hui, votre blonde peut retourner plus rapidement sur le marché du travail puisque mes impôts vous paient des garderies qui ne vous coûtent que 7$.

Lorsque la maladie nous a frappés durement, j'ai dû payer l'hôpital et le médecin par des mensualités. Aujourd'hui, mes impôts vous paient un meilleur système de santé et vous avez beaucoup moins de risques de vous endetter.

Les aléas de la vie ont fait que les femmes, non seulement gagnaient moins que les hommes, mais avaient généralement des vies de travail (de carrière serait un trop grand mot) beaucoup plus courtes. Et comme elles avaient des vies de travail plus courtes, elles n'ont pu bénéficier autant des mêmes avantages sociaux comme la Régie des rentes ou les participations à des régimes enregistrés de retraite. D'ailleurs, les REER n'existaient pas dans mes premières années de travail. Vous et votre blonde pouvez cotiser dès votre première année de travail.

Les inégalités entre les hommes et les femmes étaient tellement grandes que le gouvernement du Québec a adopté une loi instituant le partage du patrimoine familial en cas de rupture du couple.

Les femmes étaient tellement défavorisées que le gouvernement a donné naissance à la Loi sur l'équité salariale et a créé le Conseil du statut de la femme pour assurer une meilleure protection à celles-ci et protéger leurs droits.

Voilà un bref survol historique, assurément incomplet, qui explique les énormes disparités de revenus et de richesses entre les hommes et les femmes. Faudrait-il maintenant persister et punir indirectement la femme si le couple de retraités devait encore avoir moins «de revenus nets» ?

N'ayez crainte monsieur McSween, ces disparités de salaires homme-femme tendront à disparaître, parce que c'est surtout ceux qui vous ont précédé en âge qui se sont battus pour avoir une meilleure société égalitaire. Avant longtemps, les couples homme-femme et aussi les couples homosexuels auront sensiblement les mêmes revenus et le fractionnement de ceux-ci sera à toutes fins pratiques insignifiant, sinon inutile.

Et puis, si le gouvernement nous a donné des paparmanes pour avoir des votes, il n'y a pas si longtemps, il a donné des sucettes à des étudiants pour avoir les leurs.