J'ai connu Claude Ryan lors de la course à la chefferie du Parti libéral, en 1978. Sachant que l'éditorialiste du journal Le Devoir allait se lancer le 9 janvier, j'ai pris ma carte de membre du PLQ, sans hésiter, la veille. Bref, c'est l'entrée en politique de M. Ryan qui m'a incité à m'engager à mon tour. J'ai choisi l'homme avant le parti.

C'était alors le premier mandat du Parti québécois de René Lévesque et le référendum sur la souveraineté qu'il s'était engagé à tenir approchait rapidement. Le PLQ était sous la gouverne d'un chef intérimaire, Gérard D. Lévesque.

On connaît la suite. Claude Ryan a été élu chef du PLQ et il a dirigé les forces du camp fédéraliste, le NON, vers la victoire du 20 mai 1980. Une victoire éclatante et décisive: 59,56% pour le NON et 40,44% pour le OUI. Ce résultat sans équivoque laissait présager une éventuelle prise de pouvoir par le PLQ lors de la campagne électorale suivante, prévue à l'automne 1980 ou 1981. Il en fut autrement: le Parti québécois a remporté l'élection en avril 1981.

L'heure des bilans venue, plusieurs ont jugé que le style de leadership de M. Ryan, durant la campagne électorale, avait contribué à sa défaite. On trouvait son image trop austère. Une analyse simpliste, mais il reste que la défaite électorale a immédiatement remis son leadership en question.

À la veille d'un vote de confiance au congrès du PLQ en 1982, Claude Ryan a démissionné de son poste de chef du Parti libéral et chef de l'opposition officielle, tout en conservant son siège de député de la circonscription d'Argenteuil. Au moment de sa démission, plusieurs ont jugé qu'il n'était pas fait pour la politique.

C'était mal connaître l'homme et sous-évaluer sa contribution au PLQ et aux débats de son époque. Tout en reconnaissant l'apport du premier ministre Pierre Trudeau au référendum de 1980, le leadership de Claude Ryan fut déterminant en ce qui a trait à la mobilisation sur le terrain et au débat des idées.

Comme chef du parti, Claude Ryan a non seulement incarné le renouveau, mais il a su le concrétiser. Dès son arrivée, il a élaboré des documents de réflexions pour des discussions et des débats destinés aux militants - Choisir le Québec et le Canada, expliquant la vision du PLQ, et le livre beige sur la réforme de la constitution canadienne. Soucieux d'avoir une base militante engagée et critique, il croyait aussi que le débat des idées devait se faire tout en augmentant la base militante et en mettant en place un financement populaire. Sous Ryan, le PLQ a déjà compté plus de 225 000 membres.

À ceux qui disent que Claude Ryan n'était pas un «naturel» en politique, je signale qu'il faut observer sa transformation au fil des ans comme député et ministre, et le voir devenir graduellement l'homme de confiance de Robert Bourassa. Successivement ministre de l'Éducation, de la Sécurité publique, des Affaires municipales et responsable de la Charte de la langue française, il fut à la tête de ces ministères une valeur sûre qui menait ses dossiers avec aplomb et brio. De 1985 à 1994, il fut indéniablement le ministre le plus influent du gouvernement Bourassa.

Claude Ryan était avant tout un homme engagé, un homme de devoir et de contenu. Sa décision de faire le saut en politique a été fidèle à son tempérament et à son sens de l'engagement. Il nous a laissé un grand héritage, tant sur le plan de la transformation du PLQ comme institution que celui de l'enrichissement du débat politique.

Ce texte a été préparé en vue du symposium sur l'héritage de Claude Ryan, organisé par l'Université McGill et le Centre Newman à l'occasion du dixième anniversaire du décès de M. Ryan. Le symposium a lieu à la fin de cette semaine, les 13 et 14 février.