Lors d'un dimanche typique à Montréal, nos membres célèbrent la messe en français, allemand, chinois (mandarin), danois, estonien, finnois, letton et anglais. Des Luthériens d'un grand nombre de pays ont bénéficié d'un accueil en sol québécois, en commençant par des immigrants au XIXe siècle.

Certains proviennent de pays dont les gouvernements répressifs n'ont pas respecté la dignité de leurs citoyens, ni leurs droits humains fondamentaux. Ici, ils ont pu trouver un équilibre entre leurs propres langues et cultures et celles de ceux qu'ils ont rencontrés. Leur expérience d'hospitalité, d'accueil et d'inclusion donne à ce lieu son caractère distinct.

Après avoir prié et réfléchi, nous tenons à déclarer formellement notre opposition au projet de loi 60, qui est actuellement à l'étude par l'Assemblée nationale.

Nous appuyons la notion d'un État non confessionnel et sa neutralité, mais nous constatons que ce caractère est déjà suffisamment garanti par la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec.

Nous reconnaissons que l'Église chrétienne et l'Église catholique, en particulier, ont exercé une influence et une autorité considérables au Québec pendant les derniers siècles, mais nous ne voyons actuellement aucun indice d'un appui ou d'une préférence quelconque par l'État favorisant une tradition religieuse plutôt qu'une autre.

Notre confession, l'Église évangélique luthérienne au Canada, est servie par une femme à titre d'évêque nationale (archevêque ou vicaire général), ainsi que par plusieurs pasteures féminines, et nous appuyons la pleine égalité entre les hommes et les femmes.

Nous ne sommes pas en faveur de l'interdiction proposée contre le port de symboles ou vêtements religieux particulièrement visibles par les personnes employées par le gouvernement provincial ou les institutions financées par la province. Nous estimons qu'il s'agit d'une violation inutile de la liberté de religion garantie à tous les citoyens et citoyennes du Canada et du Québec. Une telle démarche servira à isoler les immigrants qui voudraient s'intégrer à la société québécoise et affaiblira l'harmonie et la riche diversité des gens de la province.

Seulement un petit nombre de nos membres seraient directement affectés par la loi proposée, mais nous tenons à exprimer notre appui à l'inclusion et au respect de nos compatriotes québécois, qu'ils soient bouddhistes, hindous, juifs, musulmans ou sikhs, les chrétiens qui portent des vêtements facilement identifiables, ainsi que les membres de plusieurs autres groupes confessionnels.

Interdire à nos voisines et voisins le port de symboles ou vêtements conformes à leurs croyances lorsqu'ils sont à l'emploi du Québec est une approche inutile et indûment sévère, une intrusion par l'État dans les différentes sphères publiques de nos vies partagées.

Si l'objectif du gouvernement est de créer une société plus tolérante, juste et empreinte de compassion, nous estimons alors que le projet de loi, s'il était adopté, aurait l'effet contraire. L'objectif de l'État devrait être d'engendrer un sentiment d'appartenance à une même communauté.

Plutôt que de diviser la province, notre souhait serait qu'une «charte de valeurs» serve à nous unir toutes et tous.

Nous demandons donc que le projet de loi 60, Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l'État ainsi que d'égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d'accommodement, soit retiré et qu'il ne soit pas adopté au Québec.