Pendant que les détaillants alimentaires agonisent, les transformateurs au pays souffrent. Coup sur coup, deux tuiles sont récemment tombées sur l'industrie. D'abord, Heinz annonçait la fermeture de son usine située à Leamington, Ontario, en 2014, mettant ainsi à pied plus de 700 personnes.

Cette décision sera un coup dur pour les 45 producteurs de tomates du coin qui, depuis quelques années, étaient forcés de vendre l'ensemble de leur récolte à Heinz uniquement.

Quelques jours plus tard, c'était au tour de Kellogg's d'annoncer son intention de fermer son usine de London, où les variétés de Corn Flakes et de Raisin Bran étaient fabriquées. Puisque les consommateurs boudent le bol de céréales ces temps-ci, Kellogg's croyait bon de passer à autre chose. Plus de 500 personnes perdront ainsi leur emploi.

Selon toutes vraisemblances, nos Corn Flakes proviendront désormais de la Thaïlande. Conditions planétaires quasi déflationnistes obligent, les entreprises agroalimentaires de grande envergure consolident leurs actifs pour mieux gérer leurs coûts de production. Malgré le cumul de licenciements effectués par ces géants américains de l'agroalimentaire, il est vraiment difficile de les blâmer.

Nous payons pour des années d'inertie stratégique. Durant les années Chrétien, le dollar canadien se maintenait à peine autour de 0,70$ du dollar américain, créant ainsi une illusion que tout allait pour le mieux. Pendant ce temps, les Américains innovaient et investissaient, permettant à leurs usines de transformation d'accéder à des niveaux de productivité inouïs.

D'ailleurs, depuis 2000, il y a une seule année où les investissements dans le secteur de la transformation alimentaire outrepassaient la dépréciation des effectifs, et c'était en 2002. Pendant ce temps, aux États-Unis, les investissements dépassent copieusement le niveau de dépréciation des infrastructures depuis des années.

Une productivité défaillante

Plusieurs pointent du doigt les salaires exorbitants payés aux travailleurs dans le secteur. Certains employés sont rémunérés entre 27$ et 30$ l'heure. En recensant mondialement les conditions salariales du secteur, les salaires canadiens figurent parmi les plus généreux.

Malgré les critiques, là n'est pas le problème; nos salariés méritent ces conditions, pourvu que la productivité soit au rendez-vous et c'est précisément là où le bât blesse. Le secteur a grandement besoin d'un accès accru à une technologie plus performante et plus flexible afin de s'adapter rapidement à la fragmentation de la demande alimentaire.

Le consommateur contemporain, difficile à suivre, s'intéresse aux produits sans gluten, au bien-être animal, au commerce équitable, aux aliments fonctionnels, et encore, pour une multitude de raisons. Nos usines doivent apprendre à mieux synchroniser leurs activités avec un marché en pleine transition.

Les détaillants aussi

Le bas taux d'inflation alimentaire n'affecte pas seulement la transformation alimentaire. Les détaillants conjuguent avec un consommateur à la recherche d'aubaines. L'année 2013 a été marquée par une véritable guerre de prix. Avec l'arrivée de Target, puis les stratégies agressives de Wal-Mart et Costco, les choses se compliquent pour les trois grands de l'alimentation, Loblaw, Sobeys et Metro. En 2013, plus d'une demi-douzaine de catégories de produits alimentaires ont vu leur prix diminuer. Notons entre autres, le café, les noix, les pâtes, plusieurs produits laitiers, les légumes surgelés et encore.

L'arme de prédilection au détail demeurera toujours les produits d'appel (loss leaders). Ces produits vendus à perte attirent efficacement les épargnants tout en les encourageant à acheter des produits de marque privée. Par contre, ils diminuent les marges bénéficiaires et l'ensemble du secteur peine à répondre aux attentes de leurs actionnaires.

Pour la seule bannière québécoise Metro, la prochaine année s'annonce particulièrement importante. Un des grands acteurs en alimentation a disparu en 2013, Safeway, acheté par Sobeys, et nous pourrions voir un autre détaillant disparaître en 2014.

C'est une bonne nouvelle pour les consommateurs puisque les prix alimentaires augmenteront à peine. Compte tenu du bas taux d'inflation, ceci peut durer pour un bon moment encore. Par contre, nous sommes toujours à un désastre naturel près de voir augmenter les prix de façon significative, alors il faut en profiter pendant que cela dure.