Après des mois de négociations difficiles (certains diront de tergiversations), quatre des six partis politiques représentés au Parlement de Catalogne, totalisant 85 des 115 députés, viennent de s'entendre sur la date et le libellé de la question qui sera soumise aux Catalans à l'occasion d'un référendum sur l'avenir politique de cette région espagnole.

Le 9 novembre 2014, les Catalans seront appelés aux urnes afin de se prononcer sur une double question, à savoir: «Voulez-vous que la Catalogne devienne un État?» et si oui, «Voulez-vous qu'elle soit un État indépendant?». Le président catalan Artus Mas (du parti de centre-droit Convergence et Union, à la tête de la coalition gouvernementale) en a fait l'annonce le 12 décembre dernier.

Une nouvelle étape est donc franchie dans un processus qui découle de la tentative avortée, entre 2005 et 2011, de réformer le statut d'autonomie accordé à la Catalogne en 1979 dans le cadre de la constitution espagnole.

En 2005, un projet de réforme de ce statut d'autonomie visant à accorder davantage de pouvoir à la Catalogne, notamment au plan fiscal (celle-ci ne bénéficie pas de son propre impôt sur le revenu), avait en effet été adopté par le parlement catalan. C'est toutefois une version diluée de ce projet qui a été soumise et approuvée par référendum en juin 2006 par 78% des électeurs. Cela n'a toutefois pas empêché l'invalidation de 14 de ses articles par le Tribunal constitutionnel (la Cour suprême espagnole).

L'importante mobilisation populaire qui a lieu depuis lors - comme la manifestation d'un million de Catalans dans les rues de Barcelone le 10 juillet 2010, ou encore la chaine humaine de 400 km déployée du nord au sud de la Catalogne le 11 septembre 2013 - vise aujourd'hui l'indépendance, devant le constat d'échec de la voie autonomiste.

Toutefois, selon un sondage réalisé en octobre 2013 pour le compte du quotidien barcelonais El Periódico de Catalunya, 40% des Catalans se déclarent favorables à l'indépendance, alors que 40,3% souhaiteraient davantage de pouvoir pour la Catalogne sans rompre les liens avec l'Espagne.

La répartition à égalité entre partisans de l'indépendance et ceux d'une plus grande autonomie politique n'est pas la seule difficulté qui attend les organisateurs du référendum de 2014. Le jour même de l'annonce de la date de celui-ci, le président espagnol Mariano Rajoy (Parti populaire) a annoncé que celui-ci «n'aura pas lieu», puisqu'il est «illégal», étant donné qu'il contrevient à la constitution espagnole qui affirme «l'indissoluble unité de l'Espagne». Un référendum portant sur la question envisagée est donc à ses yeux «hors de toute discussion et négociation».

Avec la tenue consécutive de référendums sur l'indépendance en Écosse (18 septembre 2014) et en Catalogne (possiblement le 9 novembre 2014), l'Europe connaitra-t-elle donc un «automne chaud» en 2014? Le gouvernement de M. Rajoy, fort de l'appui d'une opinion publique espagnole fermement opposée à l'idée d'un référendum en Catalogne, va tout mettre en oeuvre pour empêcher celui-ci d'avoir lieu. Un scénario extrême - mais pas impossible - serait la suspension par Madrid de l'autonomie de la Catalogne, comme le lui permet la Constitution en cas de force majeure, une option sur laquelle le président Rajoy évite pour l'instant de se prononcer.

Force est de constater le caractère encore fort incertain du référendum de novembre 2014. La mobilisation des citoyens catalans au cours de la prochaine année en faveur de ce dernier sera cruciale. Sera-t-elle suffisante? Au-delà des positions favorables et défavorables à l'indépendance de la Catalogne, ce n'est rien de moins que le caractère démocratique de l'État espagnol qui est en jeu.