La population québécoise âgée de 15 à 64 ans connaît à l'heure actuelle un virage abrupt. De 2001 à 2012, elle a augmenté en moyenne de 35 000 personnes par année. Cette année, en 2013, la hausse ne sera que de 10 000 personnes. Puis, de 2014 à 2020, elle va diminuer de 10 000 personnes par année. L'importance de cette catégorie d'âge lui vient du fait qu'elle constitue le principal bassin de recrutement des travailleurs. La chute de notre population des 15-64 en nombre absolu aura des conséquences majeures pour la création d'emploi et la croissance économique dans les années à venir.

Du côté de l'emploi, le taux de participation des 15-64 à la population active va certainement continuer à augmenter. Nos jeunes sont plus scolarisés. Nos familles sont mieux outillées pour concilier travail et famille. Nos travailleurs d'âge mûr sont plus prêts qu'autrefois à travailler passé l'âge de 55 ou de 60 ans. Mais toute cette activité accrue s'appliquera à une population en déclin. Elle ne pourra empêcher la création d'emploi de ralentir. En moyenne, depuis 15 ans, l'économie québécoise a créé des emplois à un rythme de plus de 50 000 par année. Après 2013, nous serons chanceux si nous réussissons à dépasser une moyenne de 20 000 par année.

Il y aura aussi des conséquences pour la croissance économique. Depuis 25 ans, inflation déduite, le revenu intérieur du Québec a progressé en moyenne de 2% par année. Mais désormais, avec moins d'emplois créés, l'économie va produire moins. Et avec une production moindre, le revenu va augmenter moins vite. Quelle sera l'importance du ralentissement? Tout va dépendre du progrès des technologies et de l'organisation du travail - de la «productivité» de l'économie, en somme. Si la tendance observée au cours des 25 dernières années se maintient de ce côté, il faut prévoir un taux de croissance annuel moyen de l'économie non plus de 2% par année, mais de 1,5% ou moins, d'ici 2020.

Il est important de prendre note de ces développements, car ils sont majeurs. Le faible taux de croissance de l'économie québécoise en 2013 - probablement autour de 1% - a suivi la tendance à peu près identique de l'économie nord-américaine en termes de croissance par habitant d'âge actif. Mais il reflète en même temps l'avènement du choc démographique avec lequel le Québec devra composer dans les années à venir. Il y aura des hauts et des bas autour des normes annuelles de 20 000 pour la création d'emploi et de 1,5% ou moins pour la croissance. Mais en moyenne, ce sont ces normes qui vont définir la tendance.

L'économie du Québec n'avance pas sans difficulté, dont la première est certainement la progression à pas de tortue de sa productivité par heure travaillée. Mais tous les participants aux débats publics sur l'économie doivent également reconnaître que notre faible croissance économique est due pour une bonne part au choc démographique, qui nous frappe plus tôt et avec plus de force qu'ailleurs en Amérique du Nord. Les normes changent, il faut ajuster le focus.