Plusieurs ont été étonnés de constater, à la lecture de la chronique d'Alain Dubuc («La catastrophe québécoise», 11 novembre 2013), le niveau peu élevé d'alphabétisation des Québécois. Ce phénomène bien connu des spécialistes est lié à une foule de raisons à la fois culturelles, sociologiques, économiques, et même religieuses. Le duplessisme n'enseignait-il pas qu'il est bien de lire... pourvu que cela ne nuise pas à vos études! On pourrait facilement ajouter: pourvu que cela ne vous détourne pas de la religion.

Des efforts importants ont été faits ces dernières années. En 1998, grâce à la ministre de la Culture Louise Beaudoin, le gouvernement québécois adoptait une Politique de la lecture et du livre destinée à faire de la lecture une priorité. On décida également de construire une Grande Bibliothèque au centre-ville de Montréal. Ces deux événements ont certes eu des retombées positives. Mais beaucoup de choses ont changé dans le monde du livre depuis 15 ans.

On pense tout de suite évidemment à l'arrivée du numérique. Cette nouvelle variable est en train de bouleverser les habitudes de tout un chacun. À commencer par le marché du livre. Comme on l'a vu récemment, la chaîne traditionnelle du livre (auteur-éditeur-distributeur-diffuseur (libraire/bibliothécaire), peut facilement être perturbée quand un des acteurs décide de la contourner (par exemple: les cas de Marie Laberge et d'Arlette Cousture). Le numérique offre en effet plein de possibilités, et ce, au niveau de chaque maillon de la chaîne du livre. Son impact est considérable également sur les habitudes de lecture.

On a raison de presser le ministre de la Culture à faire adopter rapidement une loi définissant un prix plancher du livre. Mais cela suffira-t-il pour faire face à tous ces changements dans le monde du livre et améliorer les habitudes de lecture des Québécois? 

N'oublions pas que la société actuelle est basée sur la maîtrise de l'information, ce qui exige des niveaux de littératie qui dépassent largement ceux rencontrés au Québec. L'avenir appartient aux individus et aux sociétés qui maîtrisent parfaitement l'écrit. D'autres pays l'ont compris - la Finlande par exemple et la plupart des pays scandinaves - et ils ont investi en conséquence.

Nos bibliothèques publiques ont un retard à rattraper. La lecture publique a été lente à se développer au Québec. Malgré l'arrivée de la Grande Bibliothèque, le Québec maintient de peine et de misère son avant-dernière position dans le palmarès de l'excellence bibliothéconomique au Canada. Nous sommes encore loin des prouesses finlandaises ou même de certaines provinces canadiennes.

Les bibliothèques scolaires ont également un rôle important à jouer dans le développement des habitudes de lecture. Encore trop d'écoles ne profitent pas de personnel qualifié donnant aux élèves l'accès à une médiation du livre de bon niveau. Si les professeurs ont pour tâche d'enseigner la lecture, le rôle des bibliothécaires est de leur en donner le goût.

Il reste donc encore beaucoup à faire. Pour y arriver, il nous semble important de procéder à une mise à jour de la Politique de la lecture qui valoriserait davantage le rôle des principaux acteurs.