Vendredi le 22 novembre 1963. Je reviens chez moi après l'école. De la fenêtre de la cuisine, ma mère me fait signe de me dépêcher. Elle court vers la porte et m'annonce l'assassinat de mon idole. J'avais 11 ans.

J'imagine que tant de gens se souviennent vivement de ce jour sombre et des jours suivants. Je les revis en tournant les pages d'un Life Magazine que j'ai conservé. Le cercueil drapé, les enfants Kennedy, Jackie voilée, les funérailles. Et les questions: pourquoi ce meurtre? Est-ce un complot? La Russie est-elle l'instigatrice? Qu'arrivera-t-il à l'Amérique? Quel sort nous attend ici?

Un an plus tôt, en octobre 1962, la Crise des missiles cubains avait fait monter le risque d'une guerre nucléaire, donnant lieu à 13 jours d'angoisse que je ne suis pas prête d'oublier. Je partais pour l'école en me demandant si un missile ciblerait notre ville si près de la frontière du Vermont. 

J'avais lu un livre sur Hiroshima et Nagasaki et je ne voulais pas survivre à une bombe nucléaire. Je faisais des cauchemars. Je trouvais d'ailleurs absurde de nous enseigner à nous cacher sous notre pupitre en cas d'attaque, je préférais me soumettre à la prière comme jamais! Ainsi, la résolution de cette crise a hissé dans mon esprit JFK au rang de sauveur. Un an plus tard, il est tué, d'où ma méfiance envers la Russie.

Les assassinats de mon héros JFK, de son frère Robert et de Martin Luther King auraient pu anéantir l'optimisme de notre jeunesse, pulvériser ses rêves et idéaux, la rendre cynique et passive. Au contraire, en moi et chez mes amis, l'inspiration marquante des hommes de cette trempe a injecté une mégadose de motivation. Elle nous a incités à nous politiser, à acquérir un sens aigu de responsabilités, à aiguiser notre sens critique, à devenir des citoyens engagés, à croire en l'avenir.

À 61 ans, je demeure optimiste et toujours persuadée que nous ne devons pas nous demander ce que notre pays, province, ville ou quartier peut faire pour nous, mais bien ce que chacun d'entre nous peut faire pour favoriser pleinement une vie collective harmonieuse, en rejetant et en condamnant toute forme de discrimination. 

En ex «flower power girl», je préfère la diplomatie aux conflits armés. Mes trois K m'ont enseigné que la paix demande beaucoup plus d'efforts que la confrontation et que la démagogie est la voix des malhonnêtes d'esprit.