La Cour d'appel du Québec vient d'ordonner un nouveau procès dans l'affaire Guy Turcotte et ce, pour le motif que des erreurs de droit sérieuses avaient été commises lors du premier procès tenu devant jury en 2011.

C'est presque un euphémisme que de dire que cette décision apporte un grand soulagement à la société québécoise. Les gens avaient été profondément choqués à la suite de l'acquittement de ce père qui, dans un excès de rage, avait tué ses deux jeunes enfants, pour ensuite être exonéré de toute responsabilité criminelle.

Ce procès très médiatisé avait été précédé d'une intense campagne de sympathie en faveur de l'accusé. Les médias ne cessaient de montrer Guy Turcotte, affichant un large sourire avec toujours ses deux enfants qu'il serrait dans ses bras. 

Cette image de Turcotte a été tellement montrée dans tous les médias que lorsque les jurés ont été convoqués et sélectionnés pour entendre les preuves de la Couronne et de la défense, ils étaient d'avance profondément convaincus que l'accusé Turcotte était un père aimant. Un père qui donnait l'impression d'avoir adoré ses enfants, et donc, incapable d'avoir posé de tels gestes.

Une fois l'image du père aimant bien ancrée sont arrivées les expertises par psychiatres; des expertises très complexes. Tout le monde le sait, l'accusé a le droit à une défense pleine et entière, et si la folie est invoquée comme moyen de défense, il a le droit d'en faire la preuve en faisant témoigner des experts. La Couronne, de son côté, a le devoir de contrer ce moyen de défense et de faire, elle aussi par experts, la preuve que l'accusé était sain d'esprit au moment du crime.

Les experts, c'est bien connu chez tous les avocats, penchent du côté de ceux qui les engagent ou, dit d'une manière plus subtile, les avocats engagent des experts qu'ils savent être de leur bord. Ce qui fait que, comme cela est arrivé dans l'affaire Turcotte, les jurés se sont retrouvés devant des experts soutenant des opinions totalement opposées. 

Le juge pour sa part, n'avait pas le droit, selon le Code criminel, de se prononcer sur la valeur de l'une ou de l'autre de ces expertises. Que faire pour aider les jurés à y comprendre quelque chose?

Devant cette question, bien des juristes se demandent pourquoi le tribunal qui entend une cause criminelle où la folie est le principal moyen de défense n'aurait pas lui aussi le droit de commander ses propres expertises. Des experts neutres; des experts qui seraient là uniquement pour éclairer la cour et les jurés. Cette idée d'experts mandatés par la cour n'est pas nouvelle, d'ailleurs, et elle se fait déjà dans plusieurs autres domaines du droit.

Pourquoi ne pourrait-on pas procéder de la même façon dans un procès criminel au cours duquel la défense de folie est invoquée? Surtout lorsque ce procès se déroule devant 12 jurés, souvent des personnes éminemment influençables par les effets de toges des avocats, et qui auront à trancher et à décider lesquels des experts, ceux de la Couronne ou ceux de la défense, sont dans le vrai. Le juge pourrait ordonner qu'une troisième expertise soit faite par des psychiatres indépendants, engagés et payés par l'État.

Cela exigerait peut-être quelques amendements au Code pénal, mais c'est parfaitement faisable. On éviterait ainsi que surviennent à l'avenir d'autres acquittements incompréhensibles et choquants comme le fut celui de l'affaire Turcotte.