Hier, je concluais que la rente longévité proposée par le rapport D'Amours passait difficilement le test de l'efficacité quant à sa capacité à résoudre le problème d'insuffisance des revenus à la retraite, même si elle ne cible que les retraités de plus de 75 ans. À certains égards, cette proposition pourrait même causer des dommages collatéraux sur le plan économique et défavoriser les travailleurs à faible revenu, sans nécessairement atteindre ses objectifs.

Une étude récente de la firme McKinsey, sans précédent au niveau de l'ampleur de son échantillon de 10 000 ménages canadiens et de son analyse fine par cohorte d'âge et de revenus, confirme l'inefficacité d'une telle mesure, comme de toutes autres qui présenteraient un caractère universel pour répondre à un problème ciblé d'insuffisance de revenu à la retraite. 

Une insuffisance qui, pour toutes sortes de raisons - manque de sensibilisation et absence de conditions de travail favorables y compris -, touche entre 20% et 30% des travailleurs concentrés dans la catégorie des revenus moyens.

McKinsey analyse deux propositions récentes à caractère universel: une augmentation des cotisations et donc des bénéfices du Régime de pension du Canada (le Régime des rentes au Québec) véhiculée dans le reste du Canada et initiée par le ministre des Finances de l'Île-du-Prince-Édouard, et la Rente longévité contenue dans le rapport D'Amours. Ses conclusions sont très significatives.

Une augmentation des cotisations du Régime de pension du Canada ou de la RRQ forcerait plusieurs ménages touchés à épargner au-delà de leurs besoins. Moins du tiers des cotisations proviendrait des ménages qui ne sont pas en voie de maintenir leur niveau de vie à la retraite, pour qui une telle mesure serait efficace.

La rente longévité présenterait les mêmes limites; moins du quart des 4 milliards prélevés annuellement en cotisation contribuerait à une augmentation du taux de préparation à la retraite pour ceux qui en ont vraiment besoin. Les 3 milliards de dollars additionnels de cotisations au régime universel ne feraient que déplacer de l'épargne qui aurait de toute façon été réalisée, constituerait de la surépargne ou n'atteindrait tout simplement pas son but.

L'étude de McKinsey conclut donc qu'un bouquet de mesures, présentant de façon combinée et modérée plusieurs mesures ciblées à la «clientèle», serait plus efficace pour combler les écarts qu'une solution unique et universelle. C'est en fait une alternative multileviers qui est proposée.

Par exemple, l'État pourrait faciliter et promouvoir une retraite plus tardive et élargir la couverture des régimes publics pour les ménages de classe moyenne, favoriser un renforcement des régimes de retraite de l'employeur, mettre en place des incitatifs à l'épargne et des incitatifs au travail durant la retraite, présider à l'instauration d'un régime volontaire d'épargne retraite (RVER).

À l'égard du RVER, on doit saluer la volonté de la plupart des partis politiques à Québec de faire avancer le projet de loi sur ces régimes volontaires, comme le propose d'ailleurs le rapport d'Amours. Ce programme, une fois mis en place, pourrait servir d'exemple au reste du Canada et de point de départ pour résoudre un problème multiforme et propre à une catégorie de revenus, problème qui ne peut donc se résoudre par une solution unique et par l'universalité.