L'assassinat de deux journalistes français samedi rappelle brutalement comment la situation au Mali reste fragile dix mois après l'intervention militaire contre des groupes terroristes. En fait, le pays est aux prises avec une double menace: l'ensemble du territoire n'est toujours pas sécurisé et le nouveau pouvoir civil reprend difficilement le contrôle de ses forces armées.

La guerre engagée le 11 janvier dernier contre des groupes islamistes déterminés à prendre le pouvoir à Bamako et à déstabiliser certains pays du Sahel (Algérie, Niger, Mauritanie) est loin d'être terminée. 

La première manche a plutôt été facile et rondement menée lorsque les troupes françaises sont intervenues au Mali. En quelques semaines, des centaines de terroristes d'al-Qaeda au Maghreb - dont certains leaders - et de rebelles touaregs ont été tués ou capturés. Ce succès n'a pas fait illusion. Dès les premières heures de l'opération, le président François Hollande avait prévenu: la France - comme ses alliés - restera au Mali aussi longtemps qu'il le faudra.

Le meurtre des deux journalistes vient renforcer cette détermination et confirmer ce que tous les spécialistes savent depuis les attentats du 11-Septembre: il faut du temps, de la patience et des ressources pour lutter contre les groupes terroristes. À cela s'ajoute la situation particulière du Sahel, une région immense où les lignes de front sont inexistantes et où l'ennemi connaît le terrain mieux que quiconque.

L'actuel dispositif français reste donc en place même si le nombre de troupes va diminuer l'année prochaine. Il est de plus appuyé par les forces spéciales de plusieurs pays, dont les États-Unis, et, faiblement, par les quelque 8000 militaires de la Mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali, dont certains contingents sont malheureusement mal équipés.

Un pouvoir civil corrompu et sclérosé

La situation au Mali n'est pas le seul fait de l'action de groupes terroristes ou de certains mouvements rebelles touaregs souhaitant l'indépendance du nord du Mali. En 2012, la démocratie malienne a été victime d'un coup d'État militaire dont la cause était le ressentiment bien compréhensible envers un pouvoir civil corrompu et sclérosé. 

Malheureusement, le geste des militaires a envenimé la situation et permis aux terroristes et à certains rebelles de s'emparer du nord du pays et de menacer Bamako. Il s'en est fallu de peu pour que tout le pays tombe entre leurs mains.

C'est de peine et de misère que les militaires sont retournés dans leurs casernes et ont accepté la transition démocratique de cet été avec l'élection d'un nouveau président. Malgré cela, certains éléments de l'armée posent toujours problème: une mutinerie a éclaté le 30 septembre dernier provoquant plusieurs morts. Les motivations des mutins restent obscures, mais le fait demeure que l'armée n'est pas complètement maîtrisée.

Le pouvoir à Bamako lutte donc sur deux fronts afin de remettre le Mali sur les rails. Il a des atouts. L'appui de la communauté internationale est acquis et pour longtemps. Sur le plan national, la société malienne est l'une des plus dynamiques d'Afrique de l'Ouest comme le rappelle un collectif d'auteurs dans un livre tout juste publié (La tragédie malienne, Éditions Vendémiaire).

Selon ces spécialistes, les événements récents n'ont pas balayé les avancées de la démocratisation entamée il y a 20 ans. Le Mali est riche de sa jeunesse, de ses artistes, de ses acteurs sociaux et de son tissu associatif. C'est une force qui doit être mise au service du développement économique. 

Enfin, par rapport aux revendications des populations du Nord, le pouvoir à Bamako et ses alliés occidentaux doivent éviter l'amalgame trop facile entre terroristes d'al-Qaeda et rébellion touareg afin d'avancer vers la réconciliation nationale. Il est encore permis d'espérer pour le Mali.