Lettre adressée à Pauline Marois, première ministre du Québec

Nous sommes les proches de Madeleine Parent. Nous sommes aussi des féministes, syndicalistes et organismes qui avons milité coude à coude avec elle. Nous vous écrivons aujourd'hui pour exprimer notre profonde déception concernant la référence gratuite à Madame Parent dans le document présentant la proposition gouvernementale de Charte des valeurs québécoises.

Comme l'écrivaient Donna Mergler (universitaire engagée, qui connaît Mme Parent depuis son enfance) et Andrée Lévesque (historienne et auteure d'un livre sur la vie de Madeleine Parent): «Il est regrettable que, pour cautionner leur projet, le gouvernement se serve du nom de personnes qui ne sont plus ici pour défendre ses positions.» (Le Devoir, 18 septembre 2013)

La charte affirme que: «Les femmes québécoises de toutes origines et de toutes croyances doivent bénéficier des mêmes droits, du même respect et des mêmes chances de réussite que les hommes...». 

Cependant, il est évident que ce document ouvre grand la porte à la discrimination. L'idée, par exemple, qu'une femme hautement compétente et qualifiée puisse perdre son emploi dans la fonction publique parce qu'elle porte un hijab aurait horrifié notre amie. En fait, Madeleine a lutté avec ardeur aux côtés de ces mêmes femmes pour que leurs pleins droits en tant que citoyennes intelligentes, dignes et compétentes soient reconnus.

Madeleine valorisait la différence des autres. Elle cherchait toujours à mieux les connaître et à enlever les obstacles à la participation démocratique et sociale. Elle a lutté en solidarité avec les Premières nations, les communautés culturelles et les personnes racisées pour combattre autant la discrimination systémique que celle imposée par l'État. Et elle était aux premiers rangs pour défendre le droit à un travail décent dans des conditions non discriminatoires, saines et sécuritaires pour toutes et pour tous. Ce fut l'oeuvre de sa vie.

Nous demandons donc que le nom de Madeleine Parent soit retiré de tout énoncé associé à la charte. Il ne lui appartient, ni à elle ni aux autres pionnières du féminisme, de porter la responsabilité des gestes de ce gouvernement.

Cynthia Kelly, amie et voisine, Réjeanne Priestley, amie et partenaire de lutte depuis 1950, Judith Newman (née 1943), amie depuis mon enfance, Élise Boyer (née en 1944), amie depuis mon enfance, Anne Powell, cousine de Madeleine, Deborah King-Powell, cousine de Madeleine, Lynn McDonald, co-militante dans le mouvement des femmes depuis 1972, Rose Marie Whalley, La Voix des Femmes, Madeleine Bachand, amie et partenaire de lutte depuis 1980, Ellen Gabriel, Mohawk de Kanehsatàke, militante autochtone des droits de la personne, Martin Duckworth, cinéaste et amie depuis 1985, Margerite Taillefer, amie depuis les années 1980, Shree Mulay, amie féministe et admiratrice de Madeleine, Laurell Ritchie, collègue de longue date dans les mouvements syndical et féministe, John Lang, collègue de longue date dans le mouvement syndical, Michèle Asselin, ancienne Présidente de la Fédération des femmes du Québec de 2003 à 2009, Judy Rebick, ancienne présidente du Comité canadien d'action sur le statut de la femme, May Chiu, avocate et militante de la communauté chinoise, Irène Ellenberger, militante et syndicaliste, David Fennario, dramaturge et comédien de Montréal, Anne Caines, amie et organisatrice communautaire, Cécile Latizeau, voisine et amie, Christine Paré, amie, Elvira Flores, amie, Marilyn Keddy, amie, Ghislaine Patry-Buison, amie de Lachute, Blanche Roy, féministe et syndicaliste, Bill Clennett, ami et militant des droits de la personne, Jarrett Rudy, professeur d'Histoire, Université McGill, Marjorie Griffen Cohen, professeure de sciences politiques et amie de longue date, Simon Fraser University, Mela Sarkar, secrétaire aux relations publiques du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques, Dolores Chew, présidente du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques, Diane Shea, amie et membre du Centre communautaire des femmes sud-asiatiques, Viviane Michel, présidente de Femmes Autochtones du Québec, Fiel Salazar, présidente de l'Organisation femmes Philippines du Québec, Tess Tesalona, Centre des Travailleurs et Travailleuses Immigrants (dont Madeleine était la Président Honoraire), Tess Augustin, Migrante Canada, Marie Boti, membre fondatrice de Femmes de diverses origines, Alexa Conradi, Présidente de la Fédération des femmes du Québec, Judith Murray, Terra Images, Rahul Varma, directeur artistique, Teesri Duniya, Dipti Gupta, Teesri Duniya.