J'ai le privilège de faire de l'accompagnement auprès des jeunes adultes en fin de vie. Des jeunes qui ne devraient pas mourir, des jeunes qui souffrent dans leur corps et dans leur coeur.

En fin de semaine dernière, j'ai accompagné un jeune ami de 19 ans. Au printemps dernier, les médecins lui ont annoncé qu'il n'y avait plus aucun traitement curatif pour combattre la tumeur qu'il avait au cerveau. Inimaginable dans sa jeune conception de la vie et insupportable dans son corps et encore plus dans son âme d'adolescent qui avait la vie devant lui, on lui annonçait que ses rêves et ses ambitions ne se réaliseraient jamais, qu'il devrait laisser sa mère et sa soeur derrière lui!

Durant les mois qui ont suivi le verdict final des médecins, mon ami a perdu peu à peu ses capacités. Chaque fois, un nouveau deuil: perte de l'usage de son côté droit, perte de sa dextérité, incapacité de texter ses amis, ne plus pouvoir marcher, ne plus pouvoir manger sans s'étouffer, ne plus pouvoir communiquer verbalement... Dans les trois dernières semaines de sa vie, tout ce qu'il lui restait pour communiquer était son regard. Mon ami perdait une à une toutes ses capacités, mais sa tête, ses pensées, ses émotions, son âme, tout était encore bien là.

Mon ami aurait eu toutes les raisons du monde de vouloir mettre un terme à cette souffrance «inutile» et incontournable dans son état de fin de vie. Il a plutôt choisi de vivre intensément chaque minute et chaque seconde de sa trop courte vie.

Les derniers jours auprès de mon ami à lui tenir la main, à l'aider de trouver une certaine sérénité, m'ont fait réfléchir sur le vrai sens qu'il fallait donner au droit à mourir dans la dignité.

Avant de permettre aux gens de choisir de mourir dignement, il faut d'abord et avant tout leur permettre de vivre un cheminement de vie dans la dignité. Il faut que ces gens rendus au bout du chemin puissent recevoir tous les soins auxquels ils ont droit. Il faut envelopper ces personnes et leur aidant naturel dans de la ouate, et surtout faciliter et améliorer les soins palliatifs à domicile. En réduisant la bureaucratie et en humanisant les soins, on redonnerait vraiment la dignité à la mort. Lorsqu'une personne est rendue à cette étape de sa vie, il n'y a pas une seule minute à perdre, toutes les secondes sont importantes.

Mon ami a choisi de rendre son dernier souffle à 13h05 dimanche de la semaine dernière, chez lui, entouré de sa famille. Personne n'a pris de décisions pour lui, il était le seul maitre de la situation. PERSONNE n'a le droit de décider l'heure du départ pour quelqu'un d'autre, car personne ne vit réellement et profondément sa souffrance. Décider de notre mort est la seule chose qui nous appartient en propre.

Mon ami s'est rendu au bout de sa vie, sans demander qu'on l'aide à mourir. S'il en avait décidé autrement, s'il avait voulu abréger ses souffrances et choisir le moment de sa mort, j'aurais aimé qu'il puisse le faire en toute légalité et en respectant son intégrité.

Cependant, pour arriver à mourir dignement, il faut d'abord et avant tout pouvoir vivre dignement, et je pense que, comme société, nous avons encore beaucoup de travail à faire avant d'y arriver.