Depuis les premières fuites sur le projet de charte des valeurs québécoises, le débat s'éternise et les dérapages importuns se multiplient. Bien que pacifiques, les deux dernières manifestations en faveur et contre la charte laissent entrevoir la présence de certaines tensions sociales. Celles-ci se reflètent dans les relations quotidiennes des divers milieux de vie par la présence de préjugés et d'attitudes hostiles envers certaines communautés.

Un tel débat ne peut être un dialogue de sourds si on veut lui conserver un sens.

Ainsi, il faut comprendre que non, un hijab ne fait pas des femmes des soldates d'Allah à l'assaut de l'Occident, tel que le prétend l'auteure «Janette» Djemila Benhabib. Il est complètement absurde qu'une femme soit accusée d'allégeance à un quelconque parti extrémiste sur la base de sa pratique religieuse. Il serait tout aussi aberrant d'accuser tous ceux portant la croix d'alliance d'adhérer au Klu Klux Klan.

Bien que les Frères musulmans portent le nom «musulmans», ces derniers constituent un groupe indépendant ne représentant pas la majorité. Ils forment une organisation panislamiste avec un agenda politique ayant pour but d'instaurer un grand état fondé sur l'application de la charia. Tout comme le wahhabisme, ce mouvement politico-religieux ne fait pas l'unanimité parmi les musulmans.

L'islam est caractérisé par une variété de courants, de modérés à radicaux, qui lui procurent une hétérogénéité synonyme de visions opposées. En effet, cette vaste religion se ramifie en trois grandes catégories: le sunnisme, le chiisme et le kharidjisme, qui se subdivisent ensuite en vingt-six courants variés.

Considérant cette pluralité, cessons de marteler la population avec l'idée que les musulmans modérés ne sont que des pions servant la cause des radicaux. Au contraire, nombreux sont d'avis que l'on gagne à s'inclure à la culture du pays d'accueil. Je suis convaincue qu'au Québec, contrairement à la France, nos politiques de lutte contre le racisme et la discrimination ainsi que notre ouverture d'esprit incitent la majorité des musulmans à privilégier l'intégration à l'isolement dans des ghettos.

Il faut aussi comprendre que les demandes de commodités religieuses telles qu'un cimetière, une mosquée ou un abattoir ne doivent pas être vues comme une menace d'invasion ou le rejet de la culture de l'Autre. En plus de relever majoritairement de fonds privés, ces requêtes s'expliquent par le fait qu'il n'est pas toujours possible de suivre des rites qui diffèrent de nos croyances. Il en va de même pour un athée qui refuserait probablement de se marier dans une synagogue ou une église.

L'intégration au pays d'accueil est certes un phénomène auquel l'immigration doit faire face, mais intégration et assimilation ne sont pas synonymes. Dans un pays libre, la liberté de conscience et la liberté de religion sont des principes fondamentaux qui ne devraient pas être remis en question. Si les politiques canadiennes et québécoises connaissent des divergences, les communautés religieuses n'ont pas à servir de gibier aux stratégies électorales d'un parti.

Quant à moi, Québécoise et musulmane, je savoure pleinement les richesses du rapprochement interculturel en participant aux 5 à 7 avec mon mousseux désalcoolisé, en apportant ma viande halal au BBQ d'amis non-musulmans et en troquant ma recette de baklavas contre celle du pouding chômeur.