C'est sans grande surprise que le milieu syndical a pris connaissance, dans La Presse de lundi, des données révélées par le ministère de l'Éducation au sujet de l'augmentation du nombre de cadres dans les commissions scolaires, entre 2006 et 2012.

Il faut d'abord remettre en contexte la publication de ces données, celui d'une dure négociation entre la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) et le gouvernement, à la suite des compressions budgétaires imposées par Québec au cours de la dernière année. Nous avons dénoncé ces coupes draconiennes qui ont mis en péril les services directs aux élèves. Comme le souligne la présidente de la FCSQ, Josée Bouchard, c'est en partie en raison des nouvelles exigences de reddition de compte du ministère que le nombre de cadres s'est accru. Dans la réalité, c'est le personnel de soutien qui est affecté par des centaines d'abolitions de postes.

Nous sommes d'avis que l'augmentation du personnel-cadre dans les commissions scolaires est révélatrice d'une tendance qui s'est accentuée au cours des dix dernières années, soit l'imposition de la nouvelle gestion publique («new public management») dans les réseaux de l'éducation, de l'enseignement supérieur, de la santé et des services sociaux. Celle-ci a entrainé d'importants changements de structure (fusion d'établissements, création de mégastructures), mais aussi dans les modes de reddition de compte imposés aux établissements, au personnel-cadre et aux personnes salariées.

L'exemple le plus éloquent demeure la création, depuis 2003, des centres de santé et de services sociaux (CSSS). La fusion des CLSC, des CHSLD et des centres hospitaliers devait mener, selon le gouvernement de l'époque, à d'importantes économies d'échelle. Or, lorsqu'on analyse les données du ministère de la Santé et des Services sociaux, on constate une augmentation de 25% du nombre d'emplois occupés par des cadres, entre 2004 et 2012. La hausse de la demande en services ne peut expliquer à elle seule cette hausse considérable, puisque la hausse du nombre d'emplois occupés par des salariés n'a été que de 11% au cours de la même période. Pour le personnel infirmier, la hausse a été aussi basse que 7% (ces données proviennent du ministère).

La CSN représente 170 000 personnes du secteur public québécois, principalement dans les réseaux de l'éducation et de la santé et des services sociaux. Jour après jour, celles-ci constatent des changements notables dans la façon dont elles doivent accomplir leur travail. Les modes de reddition de compte s'alourdissent: nos membres doivent consacrer une part de plus en plus importante à remplir des rapports, à élaborer des statistiques et à justifier leur approche clinique ou pédagogique. De moins en moins de temps est accordé à la raison première de leur emploi, soit celle de donner des services aux clientèles qu'ils et elles doivent desservir.

Ce renforcement des appareils bureaucratiques dans les services publics québécois n'est pas étranger au sentiment de dévalorisation et de morosité au travail. On empiète directement dans l'autonomie professionnelle de gens instruits, formés et compétents dans leur tâche.

Le gouvernement fait fausse route s'il croit que la qualité de nos services publics se résume à la compilation d'indicateurs quantitatifs et à l'explosion des structures d'encadrement. La CSN est plutôt d'avis que nous devons replacer les personnes qui interviennent directement auprès de la population au coeur de nos démarches d'organisation du travail.