Lors du débat entourant le projet de charte des valeurs, les 15 villes du grand Montréal ont immédiatement annoncé vouloir se soustraire de l'application de cette éventuelle législation. C'est également à Montréal que les deux seuls députés de Québec solidaire ont été élus lors de la dernière élection provinciale.

Montréal, la métropole québécoise, serait-elle donc différente des autres régions du Québec? Beaucoup d'indices portent à croire que oui.

Dans le cadre d'une recherche dont nous présentons les conclusions cette semaine au colloque «La créativité urbaine en question: le cas de Montréal, "ville créative"», nous avons voulu vérifier si le caractère distinctif de Montréal se reflète bel et bien dans les attitudes et les comportements politiques des Québécois. Notre étude se base sur les données d'une enquête d'opinion menée auprès de 1505 répondants de la province en septembre 2012, donc dans la foulée de la dernière élection provinciale et avant la polarisation du débat entourant la Charte des valeurs.

Nous avons demandé aux répondants s'ils croyaient que le Québec recevait trop d'immigrants. Environ 63% des Montréalais et 60% des résidents de la ville de Québec se sont opposés à cet énoncé. Ces deux groupes (et surtout les Montréalais) ont été les plus nombreux à s'opposer à cet énoncé, alors que les autres Québécois se montraient plus polarisés (50-50) sur la question.

On leur a aussi demandé s'ils préféraient que les immigrants s'adaptent et se fondent à la société québécoise, ou bien que les immigrants restent différents et contribuent de cette manière à notre société. Les Montréalais préféraient que les immigrants contribuent à la société québécoise tout en restant différents. Alors que la majorité des répondants ont indiqué une préférence pour que les immigrants s'adaptent, les Montréalais ont été les plus nombreux à s'opposer à cette affirmation.

Ce dernier résultat concorde tout à fait avec la théorie du contact, selon laquelle plus les individus sont en contact avec des immigrants, des modes de vie différents, des langues différentes et des religions différentes, plus ils sont tolérants. Une ouverture à l'autre est donc facilitée par ce partage et ces contacts. C'est ce qui peut en partie expliquer des réactions plus réticentes face à l'intégration des communautés migrantes en régions moins urbanisées. Selon les données de Statistique Canada, 70% des immigrants du Québec habitent à Montréal, formant près de 30% de sa population.

Autre démarcation dans le dossier du printemps érable. Les Montréalais ne votent ni plus ni moins que les autres Québécois. Cependant, 36% des Montréalais ont participé à au moins une activité de contestation liée au printemps érable, que ce soit porter un carré rouge, taper sur une casserole ou participer à une manifestation nocturne. Ce chiffre baisse à 23% pour les autres régions du Québec. Les différences sont aussi visibles concernant leurs opinions politiques sur le sujet: 48% des Montréalais ont affirmé avoir été en désaccord avec la hausse des droits de scolarité proposée et 63% se sont dits opposés au projet de loi 78. A contrario, pour le reste du Québec, seulement 40% s'opposaient à la hausse et 56% se positionnaient contre la loi spéciale.

Sur la question des valeurs, nos données indiquent que les Montréalais sont moins conservateurs sur le plan moral que les autres Québécois. Ils s'opposent en plus grand nombre à la peine de mort et sont davantage en faveur du mariage gai et de l'avortement. En effet, 55% des Montréalais ont pris la position la plus progressiste sur ces trois enjeux, contrairement à 40% chez le reste de la population.

Les Montréalais se distinguent donc dans leurs attitudes et comportements en ce qui a trait à l'immigration, au conservatisme moral et au printemps érable. Toutefois, sur le clivage gauche-droite, la participation électorale ou l'intérêt pour la politique, nous n'avons observé aucune différence régionale significative. Les Montréalais se distinguent dans une mesure raisonnable, et non pas ostentatoire!