En juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité le projet de loi 3 prévoyant des élections à date fixe. En vertu de cette loi, les élections devront dorénavant se dérouler le premier lundi du mois d'octobre, quatre ans après le scrutin précédent. En principe, la prochaine élection est prévue le 3 octobre 2016.

Le Québec rejoint ainsi de nombreux pays, dont les États-Unis et la France, qui tiennent des élections à date fixe. Le Canada et huit provinces ont aussi adopté de telles lois depuis quelques années.

Lors de l'étude du projet de loi à l'Assemblée nationale, son parrain, le ministre Bernard Drainville a déclaré: «Si on fixe la date des élections au calendrier et qu'on fait en sorte que cette date-là ne soit plus déterminée selon des calculs partisans, selon des calculs électoralistes, selon la stratégie politique, l'idée est que le citoyen aura le sentiment qu'on lui redonne la date des élections. Cette loi constituerait un engagement moral de respecter une certaine date qui sera inscrite dorénavant dans le temps. Des élections à date fixe vont être beaucoup plus équitables pour les partis politiques. Ça égalise les chances».

Par ces paroles, le ministre a indiqué clairement que le chef d'un gouvernement, quel qu'il soit devait perdre le privilège de déclencher des élections à sa guise sous peine de violer l'esprit de la nouvelle loi.

Cependant, à cause du statut minoritaire du gouvernement péquiste actuel, l'échéancier devra évidemment être devancé si une majorité de députés retirent leur appui au gouvernement. Jusqu'ici, on a cru que ce vote de censure pourrait survenir lors de l'adoption du prochain budget prévue pour le printemps prochain. Mais les rumeurs d'élections précipitées, qui seraient déclenchées le 6 novembre en vue d'un scrutin le 9 décembre, s'intensifient.

Cette façon de procéder serait légale à cause de la clause suivante incluse dans la nouvelle loi: «Seul le lieutenant-gouverneur peut dissoudre l'Assemblée nationale avant l'expiration d'une législature». Mais, dans les faits, il est évident que cette décision appartient au chef de gouvernement. Il s'agit d'une des nombreuses conventions, plus ou moins teintées d'hypocrisie, sur lequel repose le système parlementaire britannique.

Gilles Duceppe, a été un des premiers à critiquer le projet de loi 3 après sa présentation à l'Assemblée nationale en novembre 2012. L'ancien chef du Bloc québécois a carrément proposé d'interdire à un premier ministre de demander au lieutenant-gouverneur de déclencher une élection à moins que son gouvernement ait perdu la confiance de l'Assemblée nationale. Une telle mesure ne nécessiterait pas d'amendement constitutionnel, a souligné M. Duceppe qui a qualifié «d'échappatoire» les dispositions finalement adoptées à ce sujet.

En déclenchant des élections précipitées cet automne, la première ministre Marois imiterait le premier ministre Harper, qui a fait adopter une loi semblable par les Communes en 2007 avant de déclencher des élections en 2008. On sait que ce dernier espérait que son gouvernement minoritaire deviendrait majoritaire, tout comme Mme Marois présentement.

Elle imiterait aussi le premier ministre Charest, qui a déclenché des élections précipitées en 2008 pour reconquérir son statut de gouvernement majoritaire (ce qu'il a réussi), ainsi qu'en pleine période de vacances estivales en 2012 pour conserver sa majorité (il s'est retrouvé dans l'opposition et lui-même a été défait dans sa circonscription).

En réalité, le déclenchement d'élections précipitées risquerait de plonger des milliers de citoyens dans un cynisme quasi abyssal.

Comme pourrait-il en être autrement alors qu'une première ministre, se comportant comme un monarque élu, met de côté à la première occasion une loi que son gouvernement a fait adopter en prétendant leur assurer un certain contrôle sur le processus électoral? Mais pour qui nous prennent ces politiciens qui prétendent être voués à la défense du bien commun alors qu'ils ne pensent qu'à leurs intérêts bassement partisans!