Étrange sortie unanime des trois anciens premiers ministres Parizeau, Bouchard et Landry. La lecture du sous-texte nous amène à y décoder une menace de la part de ceux pour qui la religion représente encore un immense pouvoir d'attraction.

Tous trois ne sont pas là pour protéger les droits des femmes musulmanes au travail, mais bien le droit des hommes à garder leur privilège: ils semblent plutôt protéger le port de la kippa. Il serait illusoire de croire que ces sages, dont l'identité a été construite par des jésuites, comprennent l'importance d'intégrer les femmes sans leur voile au point de priver les juifs de leur kippa.

L'émancipation des femmes ne passe pas par le voile au travail, mais par le dévoilement de la femme. L'émancipation est d'abord sexuelle, mais pourquoi demander à d'anciens jésuites de saisir cette réalité?

Voyons plutôt dans leur sortie de groupe une force de frappe solide se portant à la défense de la chasse gardée des hommes. De tout temps, on a sacrifié les femmes pour éviter qu'elles se croient bienvenues dans le club des boys. Bien que l'homme raffine son discours pour ne pas être accusé de sexisme, la composition des conseils d'administration montre encore à quel point l'homme ne veut pas céder son pouvoir financier. Pour ce faire, il a tout intérêt à ralentir l'émancipation de la femme. Nos vieux sages obéissent à leur culture bien ancrée de machos.

Si le PQ cède à leur voix, il exprimera que les hommes, dans ce jeu subtil de protéger la kippa, imposent au coeur de notre société libre un sérieux recul de la place de la femme et que les hommes en général refusent de céder leur mainmise sur les cordons de la bourse.

Voilà le vrai pouvoir d'attraction. C'est toujours l'homme qui gagne à ce jeu. La guerre des symboles fera l'homme gagnant et il aura encore réussi à écarter la femme du pouvoir financier.

Les signes ostentatoires ne sont pas innocents. Ils sont en quelque sorte une déclaration de guerre, au coeur de la communauté et entre les communautés disparates. Mais aussi, une déclaration de guerre de l'homme face à la femme. Le pouvoir d'attraction de la vertu religieuse est hypocritement lié au pouvoir de dépenser. D'où l'instinct de l'homme à protéger l'homme, dont l'historique croyance le donne supérieur à la femme.

L'unanimité sur la modération devant les signes ostentatoires est parlante: nos trois anciens premiers ministres ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre parce que ça les arrange, l'importance de libérer notre société de toutes les religions pour libérer la femme.

L'ADN québécois est marqué par la recherche de l'égalité homme-femme, en dépit d'un lourd passé religieux ou grâce à lui. Nos couleurs spirituelles, bien que fondamentales à l'individu, n'ont pas leur place dans l'agora, encore moins dans nos écoles et autres institutions marquantes pour la construction de l'identité collective.

Le PQ doit s'affirmer en faveur d'une hiérarchisation des valeurs dont la première est l'humain et non Dieu. Ce serait un premier pas vers une constitution marquant l'émancipation de l'homme et de la femme sur Dieu.

Le signe ostentatoire exprime un doute, un manque de force face à ses convictions intérieures, un désir de faire l'étalage de sa vertu et l'idée que l'homme vaut plus que la femme. Le signe ostentatoire reflète l'immaturité des croyants face à une foi qui tend plutôt à créer la compétition entre fidèles et à mépriser parfois subtilement ceux qui ne pensent pas comme eux, les impurs. Au contraire de cela, les Québécois constituent globalement un peuple mature qui a décidé de parler de sa lumière en silence.

Nous avions parachevé notre processus de laïcisation en tant que société. Il est normal de chercher à recommencer à le faire à un moment où l'immigration remplit le vide que nous avions laissé et que nous voulions garder.