Je m'adresse à toi qui viens de recevoir un diagnostic de cancer du sein, ou à toi qui tentes de survivre entre deux traitements de chimiothérapie. Je m'adresse à toi qui, tout comme moi, es en rémission et qui vis désormais les doigts croisés. Ce n'est pas rose. Tu le sais et je le sais aussi.

J'ai 36 ans. J'ai reçu un diagnostic de cancer du sein à l'âge de 33 ans alors que j'étais enceinte. La vie en rose que j'avais jusqu'à ce jour est soudainement passée au noir. Le cancer m'a projeté du côté sombre de la vie. Du côté où l'avenir te semble inaccessible. Du côté où tu imagines tes funérailles plutôt que ta vie de famille. Malgré la couleur qu'on lui a donnée, le cancer du sein est loin d'être rose.

Tout comme toi, j'ai été confrontée au côté «glamour» du mois d'octobre. À cette époque de l'année, je recevais une première chimiothérapie après une interruption de grossesse et une chirurgie. Abattue et morte de peur devant cette maladie, j'étais subjuguée par ces rubans roses, ces marches, ces statistiques, ces magazines, ces défis tête rasée. Bref, j'étais choquée par cette mascarade autour de la maladie contre laquelle je me battais avec toutes mes forces et qui était un drame personnel et familial.

Au coeur de la tempête, je considérais secrètement mes chances de survie bien minces. Je dis secrètement parce que les femmes atteintes du cancer rose n'ont pas le droit de douter, d'être faibles. Elles doivent foncer, affronter la maladie avec le courage d'un soldat et faire preuve d'un positivisme sans égal. Tu sais comme moi que ce n'est pas vrai. Qu'on joue la comédie parce qu'on nous le demande. Parce qu'on doit préserver le côté rose du cancer du sein.

Trois ans après mon diagnostic, je suis en pleine forme. Je te mentirais si je te disais que j'ai retrouvé ma vie en rose. Disons qu'elle passe d'une couleur à l'autre au rythme des levers du soleil. Je suis toujours avec mon amoureux. Nous ne sommes que deux. Je prie pour que la vie nous réserve l'immense privilège d'être trois un jour. J'ai une famille que je chéris et des amis précieux. J'adore mon travail.

Nul besoin de te dire que la lutte contre cancer du sein est une cause qui m'est chère. Je marche, je cours, je ramasse de l'argent. Tu peux même me voir sur fond rose dans le numéro «spécial cancer du sein» du magazine Clin d'oeil. J'ai accepté de témoigner pour que tu saches qu'il y a une belle vie après le cancer.

Malheureusement, chaque histoire est différente et certaines peuvent se terminer plus tôt que d'autres. La vie s'est bien chargée de me le faire comprendre lorsque j'ai perdu une compagne d'armes il y a un peu plus d'un an. Je défends qui que ce soit de dire qu'elle a perdu son combat contre le cancer du sein. Il n'y a ni gagnant ni perdant. Il n'y a que des victimes.

Avant de partir, elle m'a demandé de réécrire l'histoire. Je commence donc par t'écrire qu'aujourd'hui, je vois le ruban rose d'un autre oeil. Il est le symbole de la féminité et d'une profonde solidarité. Le rose est la couleur de l'espoir que j'ai envie de cultiver.

Ce dimanche, je marcherai pour toi. Je porterai la couleur du ruban non pas pour célébrer le cancer rose, mais parce que j'espère que notre histoire sera au-delà de nos espérances.