La virulence de la réaction du Théâtre du Nouveau Monde (TNM) à l'annonce d'une réduction de sa subvention du Conseil des arts du Canada ne s'atténue pas. À la première du Murmure du coquelicot, Lorraine Pintal, directrice artistique et générale du TNM, répétait que le fédéral sabre d'une façon éhontée la culture en pointant les fauteuils vides qu'elle réserve désormais à la ministre du Patrimoine en guise de protestation. Elle a aussi promis de jouer L'Avare de Molière à Ottawa pour revendiquer une hausse du budget du Conseil des arts.

Cette coupe de 66 000$ - soit moins de 1% du budget annuel du TNM - a été décidée par un jury composé de gens de théâtre dans un contexte de redistribution complexe que connaissait le TNM depuis huit mois. Ni la ministre du Patrimoine ni son gouvernement ne sont mêlés de près ou de loin à cette décision.

Lorsqu'elle a stigmatisé la nouvelle ministre en disant que «la majorité des gens du milieu ont reçu sa nomination comme une insulte à l'intelligence», les mots de Lorraine Pintal ont dû dépasser sa pensée. En démocratie, tout élu, peu importe ses origines et sa condition sociale, doit pouvoir accéder aux plus hautes fonctions. Shelly Glover est une Métisse parlant couramment français et représentant la circonscription de Saint-Boniface dont elle connaît les principaux acteurs culturels.

Le TNM devrait organiser une tournée de L'Avare avec arrêts à Montréal et à Québec, car les trois conseils des arts sont dans un état très semblable. Depuis l'élection du gouvernement Harper en 2006, le Conseil des arts de Montréal a vu son budget augmenté de 17%, le Conseil des arts et des lettres du Québec de 22% et le Conseil des arts du Canada... de 20%. Aucun des paliers gouvernementaux ne détient donc la palme de l'exemplarité ou le record de l'avarice.

Cela dit, les conseils des arts et les ministères de la Culture font face à une augmentation constante des demandes provenant des artistes et des organismes culturels établis et émergents, sans pouvoir compter à court terme sur des allocations budgétaires bonifiées. Les choix ne sont pas simples et le statu quo est de plus en plus inacceptable parce qu'il mine la confiance sociale, accrédite l'idée désespérante d'une génération perdue et nourrit la thèse dangereuse selon laquelle il faudrait imposer une préretraite immédiate à nos artistes et directions artistiques expérimentés dont les voix restent pertinentes.

Il y a certainement plusieurs voies praticables - et le bien-fondé de celle choisie par le Conseil des arts du Canada peut et doit être débattu -, mais il faudra faire preuve de mesure dans nos prises de parole publique chaque fois qu'un mouvement de fonds nous pénalisera temporairement si on veut éviter de s'aliéner nos concitoyens ou même nos collègues plus jeunes et moins fortunés.

Le financement adéquat des arts est une condition de développement humain, économique, social et démocratique. Il nous incombe de le rappeler et de le démontrer tous les jours en faisant preuve de respect et de pédagogie envers celles et ceux qui sont élus pour prendre des décisions politiques, qui détiennent le pouvoir philanthropique ou qui déterminent les commandites.

Au moment où le chômage commence à reculer, où les marchés reprennent une certaine vigueur et où nos sociétés cherchent un nouvel élan pour se mieux développer autrement et d'une façon durable, il est souhaitable et possible que les gouvernements réinvestissent dans les arts. À nous de nous unir entre nous et avec nos concitoyens pour plaider une cause qui mérite toute l'élévation, la droiture et la sagesse dont nous sommes individuellement et collectivement capables.