Salut la gang! Vous habitez Alma, La Tuque, Maniwaki ou Rivière-du-Loup et tel que je vous connais, avec votre grand coeur, vous vous demandez comment je vis au quotidien avec l'immigration musulmane, moi, le gars de Montréal.

Vous vous inquiétez pour moi, ne le niez pas. Quand je passe par chez vous durant l'été, je sens et j'entends votre inquiétude. Oui, toi la madame - au Lac, on se tutoie, chère! - qui m'accueille à la dernière minute dans ton B&B. Oui, toi le monsieur qui travaille pour la SÉPAQ. Et toi, jeune commis de dépanneur, navré de m'annoncer que vous n'avez plus d'exemplaires de La Presse. «Ça va pas bien à Montréal?» Et votre question ressemble à une affirmation.

C'est que j'habite dans Ahuntsic, près d'une mosquée. À côté se trouve une boucherie hallal. Pas loin, un café fréquenté par des Arabes, probablement d'origine algérienne. Je vois des femmes voilées tous les jours. J'achète mon café chez un Arabe qui vient du Liban. Un jour, une pharmacienne voilée a renouvelé ma prescription. Une coiffeuse voilée m'a déjà coupé les cheveux. J'ai oublié de lui demander d'où elle venait. J'ai déjà jasé avec le père tunisien d'un garçon arabe qui jouait dans la même équipe de soccer que mon fils.

Voulez-vous savoir? Y a rien à savoir. Ça ne met fait rien. Je suis toujours égal à moi-même. Je suis inquiet, je suis quand même allé voir mon médecin pour en être sûr: rien, vous n'avez rien, a-t-il confirmé.

Ah bon, je ne suis donc pas victime d'une invasion arabomusulmane? D'un djihad galopant?

Non, mais je vais vous prescrire une cure de désintoxication des médias bas de gamme... Savez-vous, dit mon médecin, que les Québécois de vieille souche comptent pour 80% de la population et les Québécois d'origine arabomusulmane, pour 3%. Je pense, cher monsieur, qu'on a une petite marge avant de crouler sous les merguez.

C'est alors qu'il m'explique que j'ai été victime d'un très ancien virus de l'esprit qui se manifeste quand des groupes immigrent par vagues pour des raisons circonstancielles (Juifs au début du XXe siècle; Italiens au lendemain de la Deuxième Guerre; Haïtiens dans les années 70). Cette immigration de masse dérange, bouscule, bouleverse. Quoi? Pas clair.

En leur temps, les vagues d'immigration juive, italienne ou haïtienne, pour n'en nommer que quelques-unes, ont suscité leur lot de malaises, de préjugés et de comportement racistes. Puis le temps a passé. Ces immigrants dérangent moins, ou plus du tout. Un jour, les arabomusulmans, ou si vous préférez, les barbus et les voilées, on ne les verra plus. Bon, peut-être qu'ils se seront tous tirés en Ontario, mais quand même, vous comprenez ce que je veux dire.

Et puis, conclut-il, les seules vieilles souches (mais vraiment vieilles souches) qui auraient dû avoir peur de l'immigrant, ce sont les Amérindiens qui ont vu débarquer les premiers Européens le 6 juillet 1534 dans la Baie des Chaleurs. Mais ça, c'est une autre histoire...