Que nous disent les docteurs Balfour Mount, Manuel Borod et Bernard Lapointe? Que les cliniciens de soins palliatifs sont les seuls à avoir raison sur la question pourtant fondamentale de l'aide médicale à mourir, qui touche non seulement les médecins (en majorité favorables), mais aussi toute la population sans exception, car c'est notre lot à tous de mourir un jour.

Et que dire des opinions de très nombreux autres confrères, ici et ailleurs, qui ont une réflexion qui va au-delà d'un paternalisme discutable?

Le débat sur la mort médicalement assistée suscite bien sûr des passions et dans un tel cadre, il faut savoir garder la tête froide et argumenter sur des bases sociétales et médicales tout autant que philosophiques et spirituelles. Mais avant toutes choses, il importe d'éviter toute démagogie.

La sollicitude nécessaire à cette pratique ne fait pas du médecin un simple exécutant des désirs du mourant, mais un solidaire acolyte du maintien de l'intégrité du patient, arrimée à l'intégrité même du médecin. La conscience du médecin, au fond, c'est la voix de l'autre dans le besoin, à qui la compassion dicte avant tout que «c'est à l'autre que je veux être fidèle» (Paul Ricoeur).

Cet autre, c'est un être humain qui prend une décision éclairée pour lui-même, qui exerce complètement son autonomie et qui, pour ce faire, demande l'aide de la médecine afin de terminer ses jours de façon paisible, au moment où il le juge pertinent pour lui.

C'est d'ailleurs cette même médecine qui le plus souvent l'a conduit dans une vie ou une survie souvent très intéressante et qui en a valu la peine, mais qui maintenant lui apporte plus d'inconvénients que de bénéfices, dans son optique personnelle. C'est au patient seul à en juger, pas à qui que ce soit d'autre.

Et d'où vient cette affirmation, qui semble très gratuite, que de permettre ce choix va diminuer le nombre de médecins et de soignants intéressés aux soins palliatifs? Et celle tout aussi incompréhensible qu'un tel choix «risque de dissuader encore plus les patients de réclamer des soins palliatifs de qualité» ? Cette assertion me semble porter en elle-même sa propre contradiction: offrir des soins palliatifs devient donc selon eux la seule alternative offerte au patient et il n'a plus de choix autres que des moyens brutaux et inhumains s'il ne veut pas ou ne souhaite pas cette voie. Les soins palliatifs ne sont pas une réponse universelle à la complexité et la perplexité de l'être humain devant sa propre fin.

De grâce, dans un tel débat aussi important, qui touche l'humain dans ce qu'il a de plus intime, gardons-nous (tous) de faire des approximations ou pire, des affirmations basées sur des intérêts personnels ou des croyances, qu'elles soient religieuses ou autres.

Ce qui est dommage dans cette diatribe est l'impression que seuls ceux qui sont contre le projet de loi ont de la compassion pour le malade souffrant. Personne n'a ce monopole, mais surtout comment peut-on mettre en opposition des concepts aussi humains que des soins palliatifs en regard d'une euthanasie médicalement assistée? L'un n'empêche pas l'autre et la reconnaissance de cette deuxième voie ne signifie aucunement la disparition de la première. D'ailleurs, selon toutes les études sur ce sujet dans les pays qui le permettent, rares sont les personnes qui y ont recours: mais la possibilité est là, bien balisée et cela s'appelle avoir un choix. Toutes les études sérieuses le démontrent: cette demande d'aide médicale à mourir reste exceptionnelle.

Être un humain, contrairement à tous les autres organismes vivants, c'est faire des choix toute sa vie durant, et cela doit inclure le choix des derniers instants, qu'ils soient jours, semaines ou mois. Et l'alternative à la déchéance finale, courte ou longue, bien sûr inexorable, est la possibilité, pas l'obligation, de terminer en douceur, selon ses propres convictions, pas selon celles des soignants.