Au ministre de la Santé, Réjean Hébert:

J'ai failli m'étouffer en buvant mon café cette semaine. Comme ministre de la Santé, vous dites vouloir protéger la population du Québec de la menace que font courir environ 2% de médecins privés sur l'accès à la santé au Québec, tout en créant un système d'actes délégués aux pharmaciens qui ne sera pas couvert pour 60% de cette même population. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi 60% de recours au privé est acceptable d'un côté tandis que 2% est dangereux d'un autre côté? Je comprends que le langage politique relève souvent de l'équilibrisme, mais là, je suis soufflé.

La situation économique du Québec est plutôt précaire, nous direz-vous, et de nouvelles dépenses sont difficiles à assumer. Toutefois, il me semblait que cette couverture de services faisait partie du mandat des syndicats médicaux au moment de leur création. Pourquoi ne pas puiser directement dans leurs enveloppes budgétaires pour couvrir les honoraires encourus par les pharmaciens pour des actes que ces syndicats médicaux ne remplissent plus adéquatement aux termes de ce contrat social?

J'ai peut-être une solution pour vous. Si jamais vous rencontrez votre sous-ministre, demandez-lui quelles seraient les économies générées par l'implantation rapide du Dossier Santé Québec au niveau des pharmacies et chez les médecins. Si elle se rappelle bien, ces économies étaient chiffrées autour de 1 milliard de dollars annuellement au Canada dans son implantation intermédiaire et 2,3 milliards dans son implantation finale. Si on considère que la population québécoise est environ 20% de la population canadienne, cela représenterait entre 200 millions et 400 millions annuellement pour le Québec. M. Hébert, pourquoi pénaliser 60% de la population québécoise quand l'implantation du DSQ pourrait vous faire économiser bien plus que deux fois les coûts engendrés par les nouveaux actes délégués?

Monsieur le ministre, il est possible que votre règne soit de courte durée. Aussi, peut-être vaudrait-il mieux que l'on se souvienne de vous non pas comme du premier fossoyeur du système de santé public au Québec, mais plutôt comme celui qui a amorcé un changement salutaire dans la prestation de soins de qualité via l'implantation de nouvelles technologies. Même moi, qui suis un partisan du recours à la médecine privée, considère que ce que vous faites maintenant est, dans sa forme, injuste et au-delà de votre mandat politique. Pour un individu, choisir une prestation médicale privée de son propre gré est une liberté individuelle. Pour un gouvernement, forcer par la bande 60% de la population à y avoir recours alors que votre parti lui avait promis l'universalité est autocratique et trompeur.