Cette semaine, la Commission de la culture et de l'éducation se penche sur l'avenir du livre au Québec, à la demande du secteur du livre. Voici déjà quelques années que les auteurs, les éditeurs, les distributeurs, les libraires et les bibliothécaires en sont venus à un large consensus: il faut rétablir une concurrence saine dans le marché du livre.

Cela peut être atteint au moyen d'une simple mesure qui a déjà fait ses preuves un peu partout sur la planète: en protégeant le prix du livre dans les mois qui suivent sa sortie. Plus précisément, on ferait en sorte qu'un livre ne puisse faire l'objet d'un rabais supérieur à 10% du prix de détail suggéré pendant les neuf mois qui suivent sa parution.

Le livre est le secteur culturel qui génère le plus d'activité: environ 12 000 emplois et près de 700 millions de dollars en revenus. Le point focal de cette industrie est la librairie où plusieurs dizaines de milliers de titres différents peuvent trouver leurs lecteurs. C'est là aussi que s'anime, bien souvent, la vie littéraire d'une ville ou d'un quartier. Les libraires font plus qu'offrir de la diversité; ils la génèrent. On peut en effet affirmer que les librairies donnent un débouché à bien des livres. S'il n'y avait pas eu de librairies pour leur faire une place, aurait-on connu Jocelyne Saucier, Kim Thúy et Dany Laferrière?

Or, le réseau des librairies se fragilise et, si l'on en juge d'après ce qui se passe dans les parties du monde où les guerres de prix sont la norme, le pire est à venir. La vente de livres est devenue un moyen pour les grandes surfaces d'attirer des clients. Celles-ci ont la possibilité de n'offrir que très peu de titres, de vendre à perte, puis d'imposer leurs conditions. Pendant ce temps, le libraire, lui, doit continuer à tenir son inventaire, à offrir une place pour tous les ouvrages, et constater l'érosion graduelle de son chiffre d'affaires.

Dans le milieu du livre, tout le monde croit que les livres ont leur place sur tous les rayons. Qu'on pourrait en trouver au dépanneur, à la pharmacie ou dans une grande surface. Il faut toutefois éviter que les pratiques commerciales de quelques-uns n'asphyxient les librairies, entreprises qui assurent le maintien de la diversité éditoriale et la diffusion de la culture.

Une bonne moitié des pays de l'OCDE ont déjà mis en place une mesure similaire à celle que nous préconisons. Pourquoi le secteur québécois du livre serait-il moins bien protégé contre les effets délétères de la concentration que ceux de l'Allemagne, du Japon, du Mexique ou de la Norvège?

L'expérience de ce pays parle d'elle-même. Les librairies y sont plus nombreuses et en meilleure santé, et la production éditoriale y est plus diversifiée. Aussi, les consommateurs n'y ont pas été pénalisés par des augmentations de prix. Il a été en effet démontré que l'inflation sur le prix des livres est généralement inférieure dans les pays qui réglementent le prix des livres que dans ceux qui ne le font pas. Tant qu'il y aura des centaines de titres, en compétition pour la faveur d'un lecteur, il n'y a pas à craindre que les prix s'emballent. Le vrai vecteur de concurrence dans ce marché n'est pas le point de vente, mais la bibliodiversité.

Le livre est un formidable réservoir de connaissances, de rêves, d'espoirs et d'expériences. Il doit être partout. Il doit pouvoir exister. Il doit demeurer varié. C'est ce que nous croyons.