En Égypte, où le premier président élu démocratiquement, Mohammed Morsi, a été chassé du pouvoir par l'armée égyptienne, le fossé politique entre les islamistes, les laïcs et les libéraux égyptiens semblent plus abyssal que jamais.

Il va sans dire qu'un conflit interne en Égypte déstabiliserait tout le Moyen-Orient et serait néfaste pour l'économie mondiale, vu l'importance du canal de Suez pour le transport maritime international.

La question de savoir si ce qui se passe actuellement en Égypte est pour le meilleur ou pour le pire mérite d'être débattue. Mais il serait peut-être tout aussi important pour les Canadiens de réfléchir au rôle joué par le Canada sur la scène mondiale en 2013.

Lorsqu'on examine les gestes posés par notre pays d'hier à aujourd'hui en réponse à des évènements se déroulant en Égypte, on en vient à se demander si le Canada n'est pas en train de devenir une puissance secondaire.

Il y a 57 ans, la crise du canal de Suez a entraîné d'énormes tensions au sein de l'Alliance occidentale lorsque le gouvernement égyptien a nationalisé le canal de Suez. Alors que l'Égypte entrait dans la sphère d'influence de l'Union soviétique, le Royaume-Uni et la France, et plus tard Israël, commençaient à planifier une attaque visant à arracher au Caire le contrôle du canal de Suez. Les Américains craignaient qu'un conflit à plus grande échelle n'éclate entre les pays de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord et ceux du pacte de Varsovie.

Entre en scène Lester B. Pearson, diplomate d'expérience qui occupait alors le poste de secrétaire d'État canadien aux Affaires extérieures. Pearson a fait jouer au Canada un rôle de chef de file de la diplomatie en accouchant d'une grande idée: mettre sur pied une force de maintien de la paix pour séparer les belligérants. Ce rôle exemplaire lui valut d'ailleurs le prix Nobel de la paix.

La manière dont le Canada interagit avec le reste du monde a radicalement changé. Évoquant la politique étrangère canadienne contemporaine quelques mois à peine avant le début du Printemps arabe, l'éminent diplomate canadien Robert Fowler avait mentionné deux problèmes préoccupants.

Le premier, selon lui, est que les décisions prises par les politiciens en matière de politique étrangère ont pour but d'aider un parti politique à remporter les prochaines élections.

Le second problème est l'absence de grandes idées: «Où est cette chose que l'on appelle une "vision" aujourd'hui? À quand remonte la dernière idée ou proposition canadienne ayant fait une différence sur la scène mondiale?»

On est en droit de se demander si le Canada a cessé de rêver en grand. L'absence d'une stratégie globale pour résoudre la crise qui secoue la région montre que le Canada ne semble pas avoir la moindre idée de l'aide qu'il pourrait apporter à l'Égypte au moment où ce géant du monde arabe en a tellement besoin.

Pour l'essentiel, le Canada se contente d'un rôle d'observateur impuissant, peu disposé à soutenir sérieusement les groupes non islamistes qui souhaitent établir une véritable démocratie.

Beaucoup de diplomates canadiens sont actuellement en grève. Nous avons été incapables de conclure une entente commerciale avec l'Union européenne. Des ambassades canadiennes ferment leurs portes en Afrique, alors que le Brésil et la Chine ouvrent de nouvelles délégations. Le Canada a renoncé à l'idée de décrocher un siège non permanent au Conseil de sécurité de l'ONU en 2014, après avoir essuyé un revers en 2010.

Lester B. Pearson doit se retourner dans sa tombe.

En 2013, le Canada pratique une politique étrangère au rabais, et malheureusement, ses résultats sont à la hauteur des efforts investis.