Sans aucun doute l'une des plus importantes tragédies que le Québec ait connues, les événements de Lac-Mégantic resteront à jamais gravés dans la mémoire collective de notre jeune nation. Devant l'ampleur des dégâts humains et matériels, quelques constats s'imposent et pointent à mon avis vers la nécessité d'une critique radicale du capitalisme néolibéral d'aujourd'hui. Plus particulièrement, c'est sa tendance significative à la déréglementation et par le fait même à une trop grande latitude laissée au secteur privé, notamment en ce qui a trait aux mesures de sécurité, qui devrait constituer le coeur de cette critique.

Pour comprendre cette situation sociale problématique sinon pathologique caractérisant les pays du capitalisme mondialisé (en particulier les pays occidentaux), il faut faire un bond dans le temps. En effet, à la fin des années 1970, après un peu plus de 30 années de prospérité économique qui constitueront le moment de l'édification de l'État-providence reposant sur une institutionnalisation de la solidarité sociale, va rapidement s'imposer un nouveau modèle socio-économique de droite que l'on a appelée par la suite «néolibéralisme». 

Cette doctrine sera véhiculée comme la «solution miracle» à l'endettement social de l'État et généralement à la crise des institutions redistributrices, par ses apôtres qui s'appliqueront (et ce jusqu'à aujourd'hui) à couper dans les acquis sociaux qui étaient le fruit d'ardentes luttes sociales et syndicales depuis le début du 20e siècle.

Au nom de l'efficacité, de la performance, de la rentabilité et implicitement du profit, on assistera alors à une critique d'un l'État jugé «tentaculaire» qui prendra la forme des processus de privatisation et de libéralisation sans précédent d'institutions qui relevaient précédemment de la sphère publique. 

En contrepartie augmentera le risque assumé par les individus subissant ainsi directement les nombreuses coupes dans les services sociaux, ce qui s'inscrit dans la mouvance générale à l'individualisation de l'univers contemporain. C'est ainsi que l'on en vient à la notion de dérèglementation, selon moi, directement en question dans la tragédie de Lac-Mégantic, puisqu'il s'agit également d'une des mesures visant à sauver de l'argent, caractérisant ce nouveau modèle néolibéral à partir des années 1980.

Ce que l'on apprend graduellement sur le relâchement des mesures de sécurité à propos du déraillement des wagons et des explosions à Lac-Mégantic doit, à mon avis, servir de tremplin à une vaste critique de la dimension littéralement dangereuse du néolibéralisme. Je souhaite que ce désastre soit le début d'un processus de [re] réglementation et d'une remise en question de l'idéologie du profit pour lui-même au détriment du bien commun, de la sécurité publique et de l'environnement.

Que cette tragédie serve de leçon et illustre les défaillances de l'autorégulation du privé et l'inhumanité du capitalisme même lorsque des vies sont potentiellement à risque. Par respect pour les victimes, que les inspections soient indépendantes et les règles resserrées!