J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'opinion de Pierre-Yves McSween. Les scénarios très imagés employés dans les exemples sont choquants, quoique je trouve un peu court que l'auteur y mélange stratagèmes légaux et illégaux. Étant donné que je suis moi-même propriétaire unique d'une petite entreprise, je ne peux m'empêcher d'apporter quelques précisions sur les différences entre les deux situations.

Il est vrai qu'être travailleur autonome comporte son lot d'avantages, mais chaque médaille a deux côtés.

Les salariés ne peuvent évidemment pas fractionner leurs revenus et, hormis quelques exceptions, ils ne peuvent pas déclarer de dépenses liées à leur travail. Ils ont toutefois beaucoup d'autres avantages.

Par exemple, je n'ai pas accès à l'assurance emploi ni à la CSST. Je dois m'assurer dans le privé pour environ 3500$ par année, non déductible d'impôts, ce qui représente une somme supérieure à celle que je paie en CSST pour tous mes employés. Mes employés ont aussi accès à l'assurance emploi lors de la fermeture de l'entreprise pendant les périodes de vacances ou de formation.

Et parlons-en des vacances! La loi ne permet pas à mon personnel de voir de patients si je suis absent. Alors, pendant les vacances, congés de paternité, formations ou autres, le bureau ferme. Je dois verser des paies de vacances à mes employés, sans toutefois pouvoir générer de revenus. Donc, non seulement je ne suis pas rémunéré pendant mes vacances, elles représentent une dépense considérable.

Nous avons aussi accès au régime d'assurance parentale au même type que les salariés, mais à un degré beaucoup moindre. Nos congés sont généralement plus courts. J'ai des collègues (des femmes) qui ont eu des enfants récemment et leur moyenne de congé a été de six semaines, afin de ne pas nuire à leur pratique. Quand on pense que nos employées peuvent prendre un an...

Les employés ont un autre avantage de taille: la Commission des normes du travail ou leur syndicat, le cas échéant. Les relations que j'entretiens avec eux, pour le meilleur ou pour le pire, sont balisées. Où ils ont un patron, j'en ai 1600: tous mes patients. Et ces derniers peuvent me congédier sans motif raisonnable, pour un oui ou pour un non.

On dit qu'un travailleur autonome peut faire son propre horaire. C'est vrai. Étant soumis à l'économie de libre marché, notre survie dépend des besoins et désirs de nos clients et de l'offre de service de nos concurrents. Cela donne des horaires souvent très atypiques. J'ai des collègues qui travaillent cinq jours par semaine de midi à 21 heures, sans pause. Beaucoup de salariés n'accepteraient pas un tel horaire, surtout s'ils ont le privilège d'évoluer dans un domaine où il y a des pénuries de personnel. Parlez-en aux pharmaciens propriétaires et aux dentistes. J'ai dû faire mes nettoyages pendant six mois moi-même, en heures supplémentaires, par incapacité de recruter. Et quand, par miracle, j'arrivais à trouver un candidat, ses demandes étaient souvent très élevées, voire farfelues.

En conclusion, il est vrai que nous bénéficions de certains avantages, mais le prix à payer pour cela est souvent élevé. Il ne faut cependant pas généraliser en pensant que les travailleurs autonomes s'adonnent tous à des tours de passe-passe fiscaux. La loi de la moyenne s'applique aussi ici.

Mais je vous demande de bien vouloir me pardonner la prochaine fois que j'irai à ma prochaine séance de formation continue: le soir, au restaurant, il se pourrait que je me laisse tenter par un dessert...