Les révélations des derniers mois concernant la culture municipale au Québec nous obligent collectivement à redéfinir le cadre de notre démocratie et doivent nous interpeler sur la nature des changements qui s'imposent d'ici les élections de novembre prochain.

Au-delà des partis politiques, les Québécois, il faut bien l'avouer, sont collectivement responsables de l'anarchie municipale actuelle.

D'abord, ils ont boudé les élections municipales au cours des dernières décennies, favorisant du même souffle l'élection d'une classe politique peu redevable devant les citoyens.

Ensuite, les Québécois ont souffert d'un «aveuglement volontaire», préférant en bout de piste laisser dégénérer un problème de société qui était pourtant bien connu et documenté depuis près d'une dizaine d'années. Pensons aux différents rapports des vérificateurs, aux nombreuses enquêtes des journalistes ou encore à l'augmentation vertigineuse des coûts de construction dans les différentes municipalités du Québec. Autant de signes qui auraient dû normalement alerter la société civile tout entière.

Certes, il fallait revoir le montant des contributions maximales afin d'enrayer le stratagème du prête-nom.

Mais il faut aller plus loin, car la culture du prête-nom est tellement répandue depuis l'adoption en 1977 de la loi sur le financement des partis politiques qu'on doit aujourd'hui s'interroger sur l'opportunité que le gouvernement décrète une amnistie sur le financement occulte des partis.

En effet, à la lumière des révélations de la commission Charbonneau, tout indique qu'il n'existe probablement plus de politiciens «vierges» au Québec et que la plupart de nos élus ont trempé, à un degré variable, dans le système du prête-nom généralisé.

Or, une amnistie sert justement à mettre fin à la culture de l'illégalité afin d'apaiser les tensions et de rétablir le lien de confiance entre les citoyens et les gouvernants. Certes, l'amnistie doit être utilisée dans des circonstances exceptionnelles qui permettent de rétablir la confiance envers les institutions. C'est sans doute dans cette perspective que Gerald Ford avait amnistié Richard Nixon en 1974, dans la foulée du scandale de Watergate. La situation que vit actuellement le Québec n'est peut-être pas comparable au Watergate, mais avec le contexte qui prévaut actuellement à Montréal et Laval, peut-être est-ce là la seule solution possible.

Par ailleurs, il faut revoir le cadre législatif des institutions politiques municipales en limitant, par exemple, le nombre de mandats des élus. Qu'il s'agisse du maire d'une municipalité ou d'un simple conseiller, tous devraient être limités à un maximum de deux mandats, favorisant ainsi une saine alternance à la tête des villes tout en permettant aux élus expérimentés de mettre en oeuvre les programmes et les réformes pour lesquels ils ont été choisis. Cette limitation des mandats permettrait aussi au personnel politique d'entretenir des liens moins incestueux avec la fonction publique municipale en évitant aux fonctionnaires de travailler trop étroitement avec les mêmes personnes durant une longue période de temps.

Les partis politiques municipaux trop puissants sont une autre menace à la démocratie municipale, car ils permettent aux maires de régner sur les villes sans véritable contrepoids démocratique. En abolissant les partis politiques municipaux et en obligeant les politiciens à être des candidats indépendants lors des élections municipales, on favoriserait un plus grand contrôle des élus les uns envers les autres, car, comme l'écrivait Montesquieu en 1748: «il faut que par la disposition des choses le pouvoir puisse arrêter le pouvoir». Chose certaine, peu importe la réforme, il appartiendra aux citoyens de sortir le Québec de l'anarchie municipale.